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Lazhari Labter au «Le Quotidien d'Oran»: «Il faut être totalement inconscient pour continuer à se rassembler dans des marches»
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 16 - 03 - 2020

  Ancien journaliste et éditeur, Lazhari Labter est également un écrivain reconnu sur la place d'Alger. Il a publié plusieurs livres dont «Journalistes algériens, entre le bâillon et les balles», Editions l'Harmattan, Paris, 1995, «Hiziya Princesse d'amour des Ziban», El Ibriz Editions, Alger, 2017, et «La Cuillère et autres petits riens», Hibr Editions, Alger, 2019. Il vient de lancer ce samedi 14 mars, sur facebook, un appel aux hirakistes algériens pour suspendre leur mouvement à cause du risque de propagation du coronavirus, un message qui a été partagé, en quelques heures, près de 3.000 fois. Nous lui avons demandé de s'expliquer sur le pourquoi de son initiative.
Le Quotidien d'Oran : M. Lazhari Labter, vous venez de lancer, sur les réseaux sociaux, à destination des militants du Hirak, un appel qui a suscité de nombreuses réactions pour, mais aussi maintes réactions contre. Dans ce message intitulé « Le coronavirus ne passera pas par moi ! », vous avez demandé aux marcheurs du désormais traditionnel vendredi de manifestation (et en tant que hirakiste de la première heure) : « Suspendons nos marches pour 4 semaines ! ». « Par son pacifisme et son civisme, le Hirak a émerveillé le monde » avez-vous pris soin de rappeler. « Montrons-nous de nouveau à la hauteur, par notre niveau de conscience et notre sens des responsabilités. Les marches, on peut les reprendre un jour. Les vies perdues le sont pour toujours ». Quelles sont les raisons qui vous ont incité à prendre cette initiative et espérez-vous que votre appel sera entendu ?
Lazhari Labter : J'ai longuement et mûrement réfléchi avant de lancer cet appel qui a un double objectif: protéger la santé et la vie des Algériennes et des Algériens et épargner une catastrophe sanitaire à notre pays qui n'a pas les moyens, contrairement à ce qu'affirment les autorités dans leurs discours lénifiants, de faire face à l'épidémie du coronavirus si elle venait, par malheur, à gagner tout le pays. Tous les pays du monde ont pris ou sont en train de prendre des mesures drastiques pour stopper l'avancée de la pandémie, désormais ainsi définie par l'Organisation Mondiale de la Santé. Les pays qui ont minimisé la portée de cette pandémie comme l'Italie ou l'Espagne sont en train de le payer très cher. La maladie dont l'épicentre s'est déplacé de la Chine vers l'Europe est à nos portes. Elle risque de se propager dans toute l'Afrique et surtout de toucher l'Afrique du Nord qui fait face à l'Europe.
Pour moi, c'est un appel de la raison qui tombe sous le sens. Il faut être totalement inconscient ou complètement irresponsable pour continuer à se rassembler dans des marches qui regroupent des milliers, des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers de personnes dont beaucoup son fragiles ou plus exposées que d'autres à cause de leur âge ou des maladies chroniques dont elles sont porteuses.
Il est clair pour moi, et je pense pour tous, qu'il s'agit d'une «trêve sanitaire» et non d'un arrêt définitif des marches. Une trêve qui nous mène vers la mi-avril qui coïncide avec la reprise des cours dans tous les établissements scolaires et surtout les universités où les étudiants jouent un grand rôle par leurs marches du mardi. Personne ne sait comment la situation va évoluer. Les marches peuvent reprendre avant le vendredi 17 avril si la situation venait à s'améliorer comme leur suspension peut être prolongée en cas d'aggravation de la situation.
Je serai le premier, et j'en fais ici la promesse publique, à appeler à reprendre les marches partout dans le pays et de manière massive car notre lutte pour le changement radical du système, de ses hommes, de ses symboles, de ses méthodes et de ses pratiques est loin d'être terminée.
L.Q.O.: Nous, les Algériens, ne semblons pas prendre au sérieux la menace que fait peser sur notre pays le coronavirus. Dans les cafés, les transports en commun, les mosquées, notamment, nous n'adoptons pas, dans une grande majorité des cas, les fameux gestes-barrières censés freiner la propagation de ce dangereux virus. Avons-nous tort de continuer à nous comporter comme si de rien n'était ?
Lazhari Labter : Oui, nous avons absolument tort et si nous croyons que nous sommes prémunis contre la maladie parce que nous sommes des «Musulmans protégés par Dieu» comme le prétendent les charlatans de tous bords, nous allons droit dans le mur.
La lutte contre ce fléau est à la fois individuelle et collective. Au plan individuel, elle se fait par l'adoption au quotidien des fameux gestes-barrières pour éviter la contamination et au plan collectif par l'évitement de tous les lieux de rassemblements, de grands commerces, de loisirs, de pratique religieuse ou de manifestation politique, culturelle ou sportive pour freiner la propagation de ce dangereux virus.
À ce propos, je lance un deuxième appel au gouvernement pour suspendre les prières dans toutes les mosquées du pays. C'est une question de sauvegarde et de salubrité publique. L'Islam ne l'interdit pas et des pays musulmans l'on déjà fait.
J'espère que la raison prévaudra sur l'infantilisme « révolutionnaire » et le jusqu'au-boutisme. Les faits concrets nous imposent, après avoir fait un pas en avant de faire deux pas en arrière pour protéger notre pays et le Hirak et pour reprendre de plus belle demain.


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