"Il faut mettre en place des mesures barrières pour ralentir la progression de la contagion et ne pas être débordé par le nombre de malades à prendre en charge en réanimation", estime le professeur Brouri. Face à la propagation du coronavirus en Algérie, des professeurs en médecine prennent leurs responsabilités et s'expriment sur les mesures et précautions à prendre pour y faire face. Ainsi, ils recommandent la prise de mesures plus radicales pour ralentir la propagation du coronavirus en Algérie et, par ricochet, prendre en charge efficacement les personnes contaminées. À commencer par le confinement des régions touchées, l'arrêt des regroupements de masse, la suspension des vols de et vers l'Europe et la désignation des services de réanimation de première ligne. Ils conseillent également aux autorités de faire appel à l'expertise de la Chine en la matière. Le professeur Mansour Brouri, chef de service de médecine interne à l'établissement hospitalier de Birtraria, pense qu'"on a perdu trop de temps avec des mesures qui sont loin d'être suffisantes. On aurait dû passer à des consignes beaucoup plus importantes comme la mise en quarantaine de certaines régions touchées par le coronavirus. Il fallait permettre à l'Institut national de santé publique de jouer un rôle plus important. Le comité de la grippe H1N1, qui a fait beaucoup de recommandations, aurait pu aussi apporter son expertise. Or, on s'est contenté d'un travail administratif et non technique". Selon le professeur Brouri, il s'agit maintenant de mettre en place des mesures barrières "pour ralentir la progression de la contagion et ne pas être débordé par le nombre de malades à prendre en charge en réanimation. Car on a besoin de services de réanimation et non pas seulement de lits où les gens vont mourir". Dans ce sens, il conseille de désigner les "services de réanimation à mettre en première ligne et des services prêts à accueillir les malades graves, et non pas mettre ces derniers dans des services de réanimation polyvalents qui prennent en charge d'autres patients comme les personnes atteintes d'AVC. Ce qui peut créer d'autres problèmes". Parmi les mesures de prévention à suivre, il cite l'arrêt des regroupements de masse. "Suspendre les marches est une chose indiscutable car le processus de contamination devient plus rapide. Le hirak doit à tout prix envisager d'autres moyens d'action. La catastrophe, apparemment, on y va tout droit parce que le virus est là, mais il faut retarder sa progression pour mieux y faire face". Le professeur Brouri préconise, en outre, "l'élargissement des détenus d'opinion parce qu'ils ont été incarcérés injustement sachant que la propagation du virus en milieu carcéral est fulgurante". Pour le Dr Farid Chaoui, professeur en gastroentérologie, la prière du vendredi et le hirak "posent effectivement problème. Il faut faire attention même si cela heurte les convictions religieuses et politiques. Chacun doit prendre et assumer ses responsabilités en prenant en compte le côté massif de la contagion face à laquelle, même les systèmes de santé les plus performants peinent à faire face". Et d'ajouter : "La situation peut devenir très grave et exige de chacun une discipline sur la base d'un programme sanitaire que vont développer les autorités du pays. À mon avis, il faut solliciter la coopération de la Chine. Les Chinois peuvent être de bon conseil car ils ont été très efficaces face au coronavirus." Le professeur Chaoui estime, néanmoins, "qu'on ne peut pas imposer à la population des mesures de stade 3 de la pandémie, alors qu'on est en Algérie au stade 1, mais il faut s'y préparer". Le professeur Salim Nafti, ex-chef de service des maladies respiratoires de l'hôpital Mustapha-Pacha, rappelle que c'est à partir d'un rassemblement religieux à Mulhouse, du 17 au 24 février, qu'ont été répartis les cas de coronavirus sur tout le territoire français. "Pourtant, chez nous, les autorités n'ont pas demandé aux gens de ne pas aller aux mosquées qui sont des zones de transmission du virus." De même, il suggère lui aussi de suspendre les manifestations. "Il faudrait éviter d'y aller au moins pour le moment, le temps que l'épidémie passe." Le médecin fait, également, remarquer que fermer les écoles ne doit pas autoriser les parents à exposer leurs enfants dans les lieux publics. "Je suis passé devant l'enceinte d'Ardis, et elle était noire de monde. Cette image m'a donné des frissons dans le dos", conclut le pneumologue.