30 juin Dans la logique des choses, avant de parler du hirak, il faudrait d'abord comprendre l'esprit de sa genèse. Pour les amnésiques, c'est le passage en force de toutes les composantes du régime voulant reconduire un homme mort-vivant à la tête de l'Etat qui a été le point de départ. De Khenchela le 11 février à Kherrata le 16 février et puis à l'échelle nationale à partir du 22 février 2019, le mouvement avait un slogan : non au cinquième mandat de la honte. Toutefois, au fur et à mesure que la contestation prend de l'ampleur, les Algériens, dans leur majorité, exigent le départ de tous les symboles du régime et la remise des rênes du pouvoir au peuple à travers l'application des articles 7 et 8 de la constitution. Une autre partie de la contestation réclame carrément l'élection d'une Assemblée nationale constituante. Donc, dans la rue, il est incontestable que toutes les sensibilités nationales sont présentes. Comme quoi le peuple quand il est en mouvement n'exclut personne. Quel peut être le rôle de l'émigration dans ce mouvement ? Depuis le début, il ne joue que le rôle d'accompagnateur. Est-ce qu'il peut jouer un rôle plus important que ça ? Pour moi, la réponse est non. Car, le terrain de la lutte est en Algérie. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que nos compatriotes sur place ont l'intelligence nécessaire pour mener le hirak à bon port. Cela ne veut pas dire que les émigrés n'ont pas le droit d'émettre des avis. D'autant plus que, pour la plupart, ils n'ont que la nationalité algérienne. En effet, contrairement aux partisans du régime –ils profitent du pays, mais ils ne croient pas en lui –, une grande partie de l'émigration algérienne se contente de la nationalité algérienne. À ce titre, bien qu'on puisse vivre loin du territoire national, l'avenir du pays nous concerne directement. Il n'y a que le régime, à travers l'article 51 de la constitution et les éradicateurs qui déterminent qui peut être citoyen, qui excluent. Cela se vérifie aisément lors du rassemblement du 28 juin 2020, à la place de la République, où certains éradicateurs ont donné une piètre image. Sans les nommer, ils essaient de prolonger sans fin la lutte stérile des années 1990. Appelés éradicateurs, ils veulent imposer à la République un modèle où une partie de nos concitoyens serait exclue. Quelle piètre leçon en démocratie. Or, c'est le peuple, dans les urnes, et uniquement dans les urnes, qui tranche. Pourquoi n'ont-ils pas confiance en le peuple auquel ils s'identifient ? Mais, là où ils ont tort, c'est que depuis le début du hirak, on n'a jamais entendu un représentant du courant islamiste se battre pour un Etat théocratique. Au contraire, dans toutes leurs déclarations, les représentants de Rachad ne parlent que de la République où tous les Algériens seraient citoyens à part entière. Est-ce que Rachad trompe l'opinion, comme semblent l'insinuer les éradicateurs ? Quelles sont les informations qu'ils détiennent sur les intentions de Rachad ? Qu'ils mettent ces informations à la connaissance du public sans exploiter le hirak. En d'autres termes, qui est-ce qui empêche les éradicateurs de tenir leurs rassemblements au nom de leur idéologie pour expliquer les enjeux ? Ainsi, ceux qui viennent au rassemblement viennent en connaissance de cause. Or, ils veulent exploiter le hirak pour semer leurs germes de division. Fakou ! Enfin, il va de soi que ces tensions entre les éradicateurs et les islamistes ne peuvent pas disparaître par enchantement. Il faut dire que la haine était très forte. Heureusement, tous ces épisodes se déroulent en dehors du terrain de la lutte. En Algérie, chaque vendredi, que les manifestants sortent de la mosquée ou du bar, leur préoccupation est le départ du régime qui hypothèque leur avenir. Cette préoccupation ne s'applique pas à ceux qui ont fui le pays pour des raisons qui sont largement compréhensibles. Pour moi, celui qui fuit la misère pour vivre mieux en dehors de son pays ne peut pas donner de leçon à ceux sont restés sur place. En un mot, ceux qui résistent sur place, au risque de croupir dans les geôles du pouvoir, sont les seuls à définir les moyens de lutte. L'émigration ne peut que s'aligner sur ces choix.