« Peut-être la dernière publication que je vous écris alors que je me sens affaibli … Ma famille et mes amis, faites attention et soyez prudents, personne n'est à l'abri de ce virus même si vous prenez des précautions. L'Allemagne n'est pas à la portée de tous et même l'hôpital public de votre ville ne prendra pas soin de vous ». C'est la dernière publication sur facebook, datée du 29 octobre dernier, de l'universitaire Rachid Hannachi, inspecteur de langue anglaise en Algérie, avant d'être emporté par le virus de la Covid 19. Post d'adieu déchirant et bouleversant à la fois qui a suscité de très nombreux commentaires sur les réseaux sociaux. Ses ultimes recommandations seront-elles entendues par les citoyens algériens. Vont-elles provoquer l'indispensable déclic pour freiner la propagation de ce virus en Algérie ? Rien n'est sûr hélas. Les images rapportées par les médias algériens relatives à l'inconscience de certains citoyens sont alarmantes. L'algérien semble défier la mort ! Mais outre l'inconscience de ces citoyens, il faut aussi relever l'irresponsabilité du pouvoir algérien et les contradictions de sa communication. Alors que la pandémie était en phase de progression, les pouvoirs publics n'ont pas hésité à autoriser les rassemblements des partis loufoques du FLN et du RND, l'ouverture des mosquées, la campagne électorale pour le référendum relatif à la « nouvelle » constitution etc. Autant de facteurs responsables de la hausse vertigineuse des contaminations couplés à la situation dramatique de notre système de santé. Parallèlement le Comité scientifique de suivi de l'épidémie de Covid-19 animé par son emblématique porte-parole Djamel FOURAR, ne cesse d'égréner les statistiques et de prévenir sur la gravité de la situation sur le plan épidémiologique. Les avis de décès des personnalités connues ou non, emportées par le virus, pleuvent sur les réseaux sociaux. Plus personne n'est épargné : médecins, infirmiers, intellectuels, artistes, politiques, enseignants et pas toujours des personnes dites à risque. En soutenant que « L'Allemagne n'est pas à la portée de tous et même l'hôpital public de votre ville ne prendra pas soin de vous », feu Hannachi n'a fait que rapporter le sentiment de très nombreux algériens sur le transfert du Président de la République en Allemagne. L'image est forte en symboles, ce d'autant que M. Tebboune a lui-même décrété que le système de santé algérien est « le meilleur au Maghreb et en Afrique« . Ce transfert dans « l'un des plus grands hôpitaux spécialisés » du pays pour subir des « examens médicaux approfondis » a été mal vécu par celles et ceux qui, atteints du virus sur place, peinent à trouver une prise en charge, chez eux, par des hôpitaux surbookés, débordés et souvent sans moyens. On pourra toujours arguer le fait qu'il s'agit d'un Président de la République et que, compte tenu des missions qui sont les siennes et du fardeau dont il a la charge, il est normal qu'il se fasse soigner à l'étranger. Sauf que l'opacité qui entoure son hospitalisation et son état de santé restent inexplicables et échappent à l'entendement. Les communiqués laconiques de la Présidence de la République prêtent à sourire. Des activistes facebookistes algériens à l'étranger s'engouffrent dans la brèche béante et nous assomment quotidiennement avec des « révélations » sur la santé du Président en se basant sur leurs « sources » aussi inconnues que burlesques. D'autres médias n'hésitent pas à annoncer le « retour imminent » de M. Tebboune au pays. Des milliers d'algériens sont bloqués à l'étranger et diffusent sur les réseaux sociaux des appels de détresse restés sans réponse. Pourtant cette pandémie fait des ravages en Algérie alors que les frontières sont fermées. Ne peut-on pas autoriser ces citoyens à rentrer chez eux en leur exigeant un test PCR et même un confinement à leurs frais ? Ces « bloqués » sont collés aux communiqués officiels des consulats dans l'espoir de trouver une solution pour leur retour au pays. Que fait le conseiller auprès du président de la République chargé de la communauté nationale à l'étranger ? Il ne s'est jamais manifesté face à ce drame, alors qu'il a été très actif dans la campagne pour le référendum constitutionnel. Dans cette cacophonie médiatique, on espérait du porte-parole du gouvernement des confirmations ou des démentis sur tout ce que l'on peut lire dans les médias. Même ce porte-parole reste muet quand il s'agit d'éclairer l'opinion publique sur ce qui se passe chez nous dans tous les domaines sensibles : sanitaire, social, économique... Ses communiqués sur les activités gouvernementales lues sur un prompteur au JT de 20 h sont d'une extraordinaire désinvolture. Dans l'Algérie nouvelle, les JT de 20 h restent fidèle à leurs traditions de langue de bois et ne sont pas prêts de changer. Depuis l'hospitalisation de M. Tebboune, le pays semble paralysé sur presque tous les plans. De nombreuses petites entreprises ont cessé toute activité, les aides gouvernementales pour les soutenir sont soit insuffisantes soit carrément absentes. Il en est de même pour les grandes entreprises étatiques qui tournent toutes au ralenti. Et dans la gestion du quotidien, personne ne sait qui gouverne l'Algérie avec ou sans son Président ! Une opacité comme mode de gouvernance qui a toujours fait partie des constantes nationales. Si les réserves financières du pays continuent encore à assurer la paix sociale, on peut légitimement se demander jusqu'à quand ! Le récent rejet massif de la « nouvelle » constitution (moins de 24 % de votants), après avoir été proposé et adopté par une Assemblée Nationale aux ordres, aurait pu servir d'alerte pour les décideurs qui pouvaient tirer des leçons de cette claque des citoyens à un pouvoir que beaucoup considèrent comme illégitime tant en termes de choix des électeurs qu'en termes de compétences en son sein. Les nombreuses sorties et déclarations clownesques de certains ministres font autant rire que pleurer. Il n'en fut rien ! Un pouvoir sourd et aveugle aux aspirations légitimes des algériens, coupé de la réalité et qui continue de faire croire que tout fonctionne normalement avec un Président absent depuis un mois. Un pouvoir qui n'a manifesté aucune indulgence pour les prisonniers d'opinion qui continuent à croupir dans les prisons et à réprimer ou harceler les opposants fussent-ils pacifiques. Cette surdité et cet aveuglement ne sont que le signe de son incapacité à gérer un pays livré à lui-même et aux aléas mondiaux. Une gestion au jour le jour sans stratégie réelle clairement définie pour chaque secteur économique, sanitaire ou éducatif. C'est dans ce triste contexte que le Maroc, pays « frère », soutenu par les monarchies corrompues du Golf a pris la décision d'attaquer la zone de Guerguerat contrôlée par le Front Polisario au Sahara occidental provoquant une réaction militaire de ce dernier contre l'occupant. Face à cette agression, le gouvernement algérien s'est contenté d'appeler les deux parties à la « retenue ». Pouvait-il faire plus alors que la crédibilité de notre pays sur le plan international a pris un sérieux revers ? ا« Je regrette de ne pouvoir répondre à vos messages ou au téléphone ». C'est par cette dernière phrase que le défunt Rachid Hannachi a fini son message en quittant une Algérie en pleine tourmente. Allah yerhmou. Qu'il repose en paix