Décès de l'artiste Hamza Feghouli: Boughali présente ses condoléances    L'Algérie exprime sa pleine solidarité avec la République de l'Union du Myanmar suite au violent séisme qui a frappé le pays    Aïd El-Fitr: initiatives de solidarité d'organisations et d'associations caritatives    Foot : Suède - Algérie en amical début juin à Stockholm    Journée mondiale du théâtre : le TNA rend hommage à plusieurs figures du théâtre algérien    Aïd El Fitr : l'ANCA appelle au strict respect de la permanence    Journée de la Terre : face à l'agression sioniste continue, les Palestiniens s'attachent comme jamais à leur terre    Agressions sionistes contre Ghaza : le bilan s'élève à 50.251 martyrs et 114.025 blessés    Réunion de coordination entre le ministère de l'Agriculture et le Haut commissariat à la numérisation pour accélérer la numérisation du secteur agricole    Aïd El-Fitr: la nuit du doute pour l'observation du croissant lunaire du mois de Chaoual fixée au samedi (ministère)    Foot : le représentant du département technique régional de la Fifa en visite de travail en Algérie    Algérie-Qatar: signature de la convention finale relative au projet intégré de production de lait dans le sud du pays    Agression sioniste: la faim s'accroit à Ghaza, s'alarme l'UNRWA    L'artiste Hamza Feghouli tire sa révérence à l'âge de 86 ans    Le colonel Amirouche, un leader charismatique et un fin stratège    Coupe d'Algérie: l'USM Alger et le MC El Bayadh en demi-finale    Santé : Saihi préside une réunion pour assurer la continuité des services de santé pendant les jours de l'Aïd El-Fitr    Hidaoui préside à Souk Ahras le lancement du 1er club sur la santé et la lutte contre la toxicomanie et les fléaux sociaux    Arrestation d'un individu qui ciblait des personnes âgées pour voler leurs pensions    Un méga-Iftar aux couleurs d'une «qaâda assimia» avec Bingo    Sonatrach et Sonelgaz explorent les opportunités de coopération et d'investissement à Addis-Abeba    «La Présidente de la Tanzanie se félicite des relations excellentes unissant les deux pays»    Appel à la levée des sanctions et au respect de la souveraineté syrienne    Journée de sensibilisation dédiée à l'entrepreneuriat féminin    Déstockage de 155 tonnes de pommes de terre pour en réguler le prix sur le marché    Une catastrophe à cause de la malnutrition    Le Cap-Vert est au vert pour le moment    Un jeune grièvement blessé par arme à feu à Kaïs    Développement du football : Sadi appelle à s'allier au projet de la FAF    Séminaire sur la professionnalisation du football en avril à Alger    Les délégations russes et américaines entament un nouveau cycle de négociations bilatérales en Arabie saoudite    En célébration de la tenue traditionnelle féminine du Grand Est algérien    L'artiste Bilal Boutobba lauréat    Projection du film historique ''Zighoud Youcef''    « Préservons les valeurs de tolérance et de fraternité »    Lutte contre le terrorisme        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Algérie : le récit exclusif de l'arrestation et de la détention de Walid Nekiche.
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 07 - 02 - 2021

https://www.jeuneafrique.com/1116865/politique/algerie-le-recit-exclusif-de-walid-nekiche-etudiant-et-ex-detenu-a-el-harrach/
05 février 2021
Par Arezki Saïd
Mis à jour le 05 février 2021
Arrêté lors du Hirak puis placé en détention provisoire pendant 15 mois, le jeune Walid Nekiche a révélé avoir été torturé lors d'interrogatoires menés par les services secrets. Pour Jeune Afrique, il raconte son calvaire.
Accrochée à un flanc de montagne couvert de vieux oliviers aux troncs noueux, la modeste maison des Nekiche ne désemplit pas depuis la sortie de prison de leur fils Walid. Amis d'enfance, voisins, cousins ou anciens compagnons de cellule, ils sont très nombreux à se succéder dans le salon trop exigu de la demeure familiale afin de partager la joie de parents qui ne pensaient pas revoir leur fils un jour.
« Quand j'allais le voir en prison, je mettais un point d'honneur à ne jamais lui montrer ma peine. Je lui demandais d'être courageux, d'être un homme. Une fois dehors, je pleurais toutes les larmes de mon corps », raconte sa mère.
Pour Walid Nekiche, 25 ans, tout a commencé un mardi 26 novembre 2019, en plein Hirak.
Vers un « endroit inconnu »
Aux alentours de 10 heures, cet étudiant en troisième année à l'Institut national supérieur de pêche et d'aquaculture d'Alger retrouve d'autres jeunes pour entamer une marche. Il prend quelques photos lorsqu'il est abordé par un policier en civil, qui lui demande de lui remettre son smartphone. Il s'exécute. « Il vérifie mon téléphone et y trouve des photos prises lors des marches du Hirak, puis me le rend », témoigne Walid Nekiche. Quelques instants plus tard, le policier revient à nouveau vers lui pour lui demander de lui remettre son portable. « Cette fois-ci, il ouvre l'application WhatsApp et vérifie mes contacts », poursuit-il.
Le policier s'intéresse en particulier à ses échanges avec l'un de ses amis étrangers, un Espagnol nommé José, auquel Walid a envoyé des photos de manifestations. Il décide alors d'arrêter l'étudiant avant de le faire monter, avec l'aide de ses collègues, dans un fourgon. « Ils me conduisent d'abord au commissariat de la Casbah, puis à celui de Bab El Oued, avant de me transférer, vers 16 heures, dans un endroit inconnu », raconte-t-il. Il apprendra plus tard qu'il s'agissait du Centre principal des opérations (CPO), une structure de la Direction du contre-espionnage (DCE), elle-même rattachée à la Direction des renseignements et de la sécurité (DRS) : la fameuse caserne Antar.
LES POLICIERS M'ONT ACCUSE D'ATTEINTE À L'UNITE NATIONALE »
Dans son sac à dos, les policiers mettent la main sur son journal intime, un cahier dans lequel il consigne faits, rencontres, pensées ou convictions politiques. Les forces de l'ordre s'intéressent également à la page Facebook de son village natal de Kabylie, animée par la section locale du Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (MAK). Créé en 2001 par le chanteur et activiste politique Ferhat Mehenni, ce mouvement dissident milite ouvertement pour l'indépendance de la région. « Les policiers m'ont accusé d'atteinte à l'unité nationale », rapporte Walid.
« Torturé » par les services
Du 26 novembre au 2 décembre, le jeune étudiant est questionné par les éléments du CPO. « J'ai été interrogé et torturé, dans les deux commissariats et à la caserne Antar », affirme-t-il. Dans un grand bureau, les policiers lui demandent de passer aux aveux. « Tu as le choix, soit tu parles ici de ton plein gré, soit tu refuses et on passe de l'autre côté. Tu sais ce qui t'attend là-bas », le menacent-ils. Walid continue à affirmer qu'il n'a rien à avouer. Il est alors transféré dans la caserne...
« Le premier jour, j'ai été interrogé et torturé de 17 h jusqu'aux environs de 1 h du matin. J'ai tout subi, tout... Tout ce que vous pouvez imaginer... », confie t-il. De nature timide et réservée, le jeune homme a du mal à exprimer ce qu'il a enduré. Ses silences sont encore plus éloquents que les quelques mots qu'il arrive à faire sortir de sa gorge nouée.
Il se retrouve ensuite seul dans une cellule. « Il y avait d'autres détenus à côté, notamment un terroriste, je crois, et un militaire, mais les interrogatoires ont toujours eu lieu durant la nuit. Ils étaient alors très nombreux à me harceler de questions. Cinq, six, parfois jusqu'à onze », se souvient-il. Au cœur de ces interrogatoires, les relations entre le jeune étudiant et son fameux ami José, un attaché de l'ambassade espagnole à Alger.
Les deux hommes se voient régulièrement et entretiennent une relation amicale depuis 2017. « José vient régulièrement en Algérie et séjourne dans des hôtels. Si c'est un espion, pourquoi ne l'ont-ils pas arrêté ? », s'interroge-t-il. Au bout d'une semaine, le jeune homme est transféré et placé sous mandat de dépôt à la prison d'El Harrach. Il est conduit dans une grande salle, où quatre-vingt sept prisonniers s'entassent les uns sur les autres, dormant sur des couvertures crasseuses à même le sol.
« Détenus du Hirak »
Retour chez les Nekiche. Yebou Hani, un ancien détenu de 34 ans qui a purgé six mois de prison, est venu rendre visite à son ami Walid, qu'il a connu à la prison d'El Harrach. « Faute de place, j'ai dormi 22 jours à même le sol, au milieu des cafards », témoigne-t-il. Ce jeune pizzaiolo a écopé d'une année de prison, dont six mois ferme, pour avoir brandi le drapeau berbère lors d'une manifestation à Alger. Dans la grande salle de l'établissement pénitentiaire, ils sont alors cinq « détenus du Hirak ».
SANS NOUVELLES DE LUI, SA FAMILLE ET SES AMIS LE CHERCHAIENT PARTOUT
Quand Walid arrive à El Harrach, il est encore sous le choc et gravement traumatisé par les interrogatoires qu'il a subis. Intrigué par ce jeune homme taciturne qui ne parle à personne, Yebou Hani finit par lui arracher quelques bribes d'informations. « Nous avons alors informé nos avocats de la présence d'un détenu du Hirak dont personne ne connaissait le nom », dit-il. Walid a en effet disparu sans laisser de trace pendant près de quinze jours. Pendant sa détention dans les deux commissariats, puis à la caserne Antar, il n'a pas été autorisé à passer un seul coup de téléphone à sa famille. Sans nouvelles de lui, sa famille et ses amis le cherchaient partout.
En mars 2020, après quatre mois de mandat de dépôt, Walid Nekiche passe enfin devant un juge d'instruction. Devant le magistrat, il affirme avoir subi des sévices et des abus sexuels, mais le juge ne donne pas suite. C'est un détenu de plus, comme il y en a des centaines. Il lui faudra encore patienter onze mois pour voir son procès programmé.
La liberté, enfin
Son dossier est vide. Directement géré par la DRS, le puissant service de renseignement, il n'a jamais été instruit. L'une de ses avocates affirme que Walid est poursuivi pour de graves chefs d'accusation dont « atteinte à la sécurité et à l'unité nationale », « distribution et possession de tracts pour porter atteinte à l'intérêt du pays », et « participation à un complot pour inciter les citoyens à prendre les armes contre l'autorité de l'Etat et organisation d'une manière secrète de communications à distance dans le but de porter atteinte à la sécurité nationale ».
Entamé ce 1er février vers 10 heures du matin, le procès s'est prolongé jusqu'à la nuit. Lors d'un réquisitoire qui a choqué l'opinion, le procureur a requis la perpétuité contre l'accusé. Un autre choc pour Walid. Durant sa déposition, le jeune homme a fait état, encore une fois, du viol et des tortures qu'il a subis. Vers 1 h du matin, le verdict est prononcé : 6 mois de prison de ferme et 20 000 dinars d'amende. Walid Nekiche est enfin libre.
« La justice aurait dû s'autosaisir suite à ses révélations mais elle ne l'a pas fait. Nous avons, pour notre part, saisi le procureur général et déposé plainte. Sans suite jusqu'à présent, mais nous sommes déterminés à obtenir justice et réparation pour Walid », affirme Maître Rezazgui, l'une de ses avocates. Une autre longue bataille s'annonce.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.