La grève de la faim est une pratique non-violente très ancienne dans le monde. Mais c'est au cours du 20 ème siècle que cette pratique a été associée clairement à des revendications politiques. Parmi lesquelles on peut citer : la grève de la faim en 1932 de Ghandi le défenseur de la «résistance passive» et la grève de la faim des militants indépendantistes irlandais de l'IRA en 1981. La grève de la faim est un moyen privilégié dans les contextes d'absence des espaces et des moyens de la contestation. LA GRÈVE DE LA FAIM DES DETENUS POLITIQUES ALGERIENS DE JUIN 1959 La grève de la faim collective est une pratique profondément ancrée dans les traditions de lutte pour l'indépendance. Dès novembre 1956, des dizaines de militants indépendantistes algériens, détenus à la prison de Fresnes, entament une grève de la faim. Mais c'est à partir de 1958 que la grève de la faim est devenue un mode de revendication et un moyen de lutte usuel des détenus politiques algériens notamment dans la prison de Fresnes. La grève de la faim la plus importante dans l'histoire de la révolution algérienne est celle qui a été déclenchée par le CD ( Comité de détenus) de Fresnes,le jeudi 18 juin 1959.Fait remarquable, une semaine après, le mercredi 24 juin, les dirigeants de la révolution algérienne (Aït Ahmed, Boudiaf, Ben Bella et Bitat) détenus à la prison d'Aix s'associent à cette grève. Pour expliquer son action, le Comité de détenus adresse au Ministre de la justice de l'époque, Edmond Michelet, la liste de ses revendications : fin des brutalités, réception de journaux et de colis de la Croix rouge et du Secours catholique, salle pour les prières en commun, séparation d'avec les prisonniers de droit commun et possibilité d'organiser des cours au sein de la prison. Après six jours de négociations, la «circulaire Michelet», généralisant le « régime A » à tous les détenus politiques algériens arrêtés pour des faits en rapport avec leur combat pour l'indépendance algérienne, est signée le 4 août 1959. Parmi les droits arrachés : l'obtention du statut A (amélioré), la possibilité d'accéder à la presse (en dehors de l'Humanité et Libération) et celui, plus stratégique, de se réunir à plusieurs dans une cellule ouverte, avec un avocat. C'était l'une des victoires politiques les plus retentissantes de la révolution algérienne. LA GRÈVE DE LA FAIM DU 28 JANVIER 2022 Pour protester contre les poursuites et les fausses accusations, les prolongations de détention provisoire injustifiées ainsi que leurs conditions de vie inhumaines, une quarantaine de détenus d'opinion ont entamé une grève de la faim. De nombreux détenus parmi les grévistes ont entrepris cette action pour protester contre l'article 87 bis sur la base duquel ils sont accusés de « terrorisme ». Des accusations totalement farfelues qui s'appuient sur un article dénoncé par des organisations internationales de défense des droits de l'homme, mais également au niveau de l'ONU. En effet, le 27 décembre dernier, des experts et des rapporteurs Spéciaux de l'ONU ont adressé une communication au HCDH (Haut commissariat des droits de l'homme de l'ONU), dans laquelle ils accusent le régime Algérien d' »instrumentaliser politiquement le terrorisme » pour réprimer les libertés publiques. Prise de panique, la junte militaire cherche par tous les moyens à empêcher la propagation de cette grève dans les autres prisons. Comme à l'accoutumée, elle répond par le mensonge et la répression.Le mensonge est arrivé rapidement par la voie du parquet d'Alger qui s'est lamentablement ridiculisé dans sa vaine tentative d'escamotage de cette grève. Le lendemain du début de la grève, au moins 23 détenus ont été menacés et tabassés avant d'être transférés vers d'autres prisons, loin de leurs familles et avocats. Face à des détenus politiques grévistes de la faim, les autorités algériennes en 2022 se comportent-elles de façon moins humaine que l'administration coloniale ?Qu'il est triste de devoir se poser cette question !!!