S'estimant injustement emprisonnés pour leurs opinions, 40 détenus ont entamé, hier, une grève de la faim ouverte. Pas moins de quarante détenus sont en grève de la faim à la prison d'El-Harrach, à Alger. Selon l'avocat Abdeghani Badi, ces détenus ont lancé cette grève pour protester contre "les poursuites et les fausses accusations dont ils sont les victimes", alors que d'autres, parmi les détenus, s'insurgent, à travers leur mouvement de grève, contre la prolongation "abusive" de leur détention provisoire. "Certains, parmi les détenus du Hirak, de la prison d'El-Harrach, m'ont dit, lors de ma visite aujourd'hui (jeudi, ndlr), que plus de quarante prisonniers du Hirak avaient décidé d'entamer une grève de la faim à partir du 28 janvier, pour protester contre les poursuites et les fausses accusations, ainsi que les prolongations de détention provisoire injustifiées", a écrit, jeudi, Abdelghani Badi sur sa page Facebook. Joint, hier, par téléphone, l'avocat a fait savoir, par ailleurs, que plusieurs détenus parmi les grévistes ont entrepris cette action, coïncidant avec le 64e anniversaire de la grève des Huit-Jours, en 1957, pour protester contre l'article 87 bis sur la base duquel ils sont accusés de "terrorisme". "Ils rejettent les chefs d'inculpation retenus contre eux sur la base de l'article 87 bis du code pénal qui les accusent de terrorisme", affirme encore l'avocat. Dans cet article, est considéré, entre autres, d'acte terroriste "toute personne œuvrant ou incitant par quelque moyen que ce soit, à accéder au pouvoir ou à changer le système de gouvernance par des moyens non constitutionnels". Ces détenus, selon l'avocat, "rejettent formellement et fondamentalement les qualifications contenues dans cet article dont ils sont victimes". Ces détenus, poursuit Me Badi, "refusent ce qualificatif et ne se considèrent pas comme des terroristes, mais de simples citoyens ayant exprimé publiquement leur opinion". En juin 2021, l'introduction, dans l'article 78 bis, du paragraphe incriminé a suscité l'inquiétude. Beaucoup, parmi les avocats notamment et les défenseurs des droits de l'Homme, ont relevé le caractère "ambigu" de ce paragraphe, en considérant qu'il a pour effet d'aggraver le caractère imprécis de la définition de l'acte terroriste tel que défini à l'article 87 bis du Code pénal. Il s'agit en outre d'une disposition, selon d'autres, qui peut permettre la poursuite de comportements qui peuvent relever de la pratique de l'exercice de la liberté d'expression ou de rassemblement pacifique. "C'est un fourre-tout. Ce paragraphe est dangereux en ce sens que toute personne appelant au changement du système à travers, par exemple, l'appel à une Constituante, est considérée comme un acte terroriste. C'est une aberration", estime ainsi maître Abdelghani Badi. Pour lui, cet article n'a d'objectif que de "faire peur aux Algériens. L'accusation de 'terroriste' des citoyens ayant appelé au changement, dans le Hirak, sert, en vérité, à donner l'exemple. Un précédent dont la finalité est de décourager les Algériens de faire de la politique. Car, in fine, c'est bien l'acte politique qui est criminalisé à travers cet article". Depuis le début du Hirak, en 2019, des centaines de personnes ont été arrêtées, souvent placées sous mandat de dépôt. Certains ont attendus plusieurs mois avant d'avoir droit à un procès. Aujourd'hui, pas moins de 300 personnes, accusées d'atteinte à la sureté de l'état, d'atteinte à l'intégrité du territoire, d'action subversives susceptibles d'instaurer un climat de terreur ou d'actions susceptibles de semer la haine ou encore la division, croupissent dans les prisons du pays. La plupart sont poursuivis pour avoir exprimé une opinion, à travers notamment des publications sur les réseaux sociaux.