Après huit jours de grève de la faim, les détenus du Hirak de la prison d'El-Harrach ont été transférés vers d'autres établissements pénitentiaires, à Bouira et à Médéa notamment, selon plusieurs avocats. De nombreux détenus du Hirak qui observaient une grève de la faim depuis une semaine à la prison d'El-Harrach, ont été transférés vers les prisons de Bouira ou encore vers la wilaya de Médéa (Berrouaghia), selon des avocats de la défense. "Parmi la quarantaine de détenus grévistes, 13 ont déjà été transférés vers la prison de Bouira, et une dizaine d'autres vers la prison de Berrouaghia, à Médéa", affirme l'avocat Abdelghani Badi, membre du Collectif de la défense. Ces transferts interviennent, rappelle-t-on, une semaine après la grève de la faim (une information démentie par le parquet général près la cour d'Alger) déclenchée par les détenus de la prison d'El-Harrach. Une action ultime pour protester contre "les poursuites et les fausses accusations dont ils sont les victimes" ou encore contre la prolongation "abusive" de leur détention préventive. Mais pas que. Plusieurs détenus comptent également, par cette grève de la faim, exprimer leur rejet de l'article 87 bis, à l'origine des chefs d'inculpations qui pèsent sur eux, étant accusés d'appartenance à des organisations terroristes, le MAK et Rachad, en l'occurrence. "Ils rejettent les chefs d'inculpation retenus contre eux sur la base de l'article 87 bis du code pénal qui les accuse de terrorisme", affirme Me Abdelghani Badi, ajoutant que ces détenus se considèrent comme étant des "détenus d'opinion". Mais alors se pose la question de savoir pourquoi les autorités compétentes ont-elles procédé, depuis quelques jours, au transfert de ces détenus ? D'abord, à moins d'une mesure exceptionnelle, les détenus ne devraient pas être transférés vers une autre juridiction que celle où ils ont été écroués par les juges d'instruction. De ce point de vue, "il s'agit bien d'une pratique en déphasage avec les textes de loi, considérant que tout détenu dont la situation pénale demeure pendante (sans procès et sans jugement) ne devrait pas quitter la prison de sa juridiction", explique, de son côté, l'avocate Fetta Saddat. Me Abdellah Haboul évoque, pour sa part, toujours sur le plan procédural, les articles 54 et 55 portant sur l'organisation pénitentiaire et la réinsertion sociale des détenus, régissant notamment le transfèrement des détenus. "Tout transfèrement des détenus est basé sur ces deux articles de façon réglementaire", précise-t-il, en rappelant que la grève de la faim est un droit des détenus. "Il faut rappeler que la grève de la faim est un droit des détenus. Il est régi par l'article 64. Mais, précise-t-il, tout détenu, est dans l'obligation d'informer l'administration pénitentiaire de son intention d'observer une grève de la faim". Jusque-là, tout semblait en règle. "Mais, il se trouve que l'administration de la prison d'El-Harrach était réticente à cette grève. Face à cette réticence, les détenus ont tout de même décidé de faire cette grève. Et c'est quand l'opinion publique a pris connaissance de cette action que des parties se sont retrouvées visiblement agacées. D'où la décision de recourir au transfèrement des détenus", explique Me Haboul. Qui sont ces parties et qui a décidé du transfert de ces détenus et pour quelle raison ? Pour l'avocat, il s'agit de l'"administration centrale du ministère de la Justice". Une autre anomalie. Car, cette décision aurait été prise sans l'avis des juges d'instruction, alors que l'article 12 du décret de 2007 est clair : s'il s'agit d'un détenu inculpé, "il ne peut être procédé au transfèrement d'un détenu qu'après avis de la juridiction devant laquelle il est poursuivi", détaille encore l'avocat. "Est-ce que le ministère de la Justice, en décidant de transférer ces détenus, a demandé l'avis des juges instructeurs ? La question mérite d'être posée", estime-t-il, en expliquant, par ailleurs, que ce transfert répond à plusieurs objectifs. "D'abord cela permettra d'éloigner les détenus de leurs avocats, ensuite cela pénalisera les familles des détenus qui vont devoir effectuer de longs déplacements pour leur rendre visite", dit-il, en faisant remarquer qu'il s'agit donc d'une "sanction claire", en plus d'être une "mesure disciplinaire !". Evidemment, poursuit-il, "il y a l'objectif politique : briser l'élan de cette grève". Pour rappel, le Parquet général près la cour d'Alger a démenti les informations selon lesquelles des détenus de la prison d'El-Harrach auraient lancé un mouvement de grève de la faim, qualifiant ces informations de "tendancieuses", "dans la mesure où aucun mouvement de grève" n'a été enregistré au sein de cet établissement pénitentiaire, a indiqué samedi un communiqué de la cour d'Alger. Mais deux jours après ce démenti, le Comité de défense des détenus a confirmé, dans un communiqué, que "des dizaines de détenus continuent leur grève de la faim" à la prison d'El-Harrach.