La réponse à cette question relève de l'impossible, du moins au niveau du citoyen, tant l'opacité et la complexité qui ont toujours caractérisé le « système » ont été érigés en système de gouvernance depuis pratiquement l'indépendance à nos jours. A chaque événement à caractère politique surprenant sur lequel des interrogations légitimes sont mises en avant, la communication officielle aggrave le flou via des communiqués souvent laconiques qui perdent le lecteur dans le maquis des fakes news sans apporter la moindre réponse aux questions posées. Ca a été le cas du communiqué de l'APS de fin février en réponse aux rumeurs faisant état d'un possible report des élections prévues en décembre 2024 : « Les élections auront lieu en temps tel que prévu par la Constitution et ce par respect pour la Constitution et pour le peuple algérien seul détenteur de la souveraineté » soulignait l'agence officielle en réponse aux médias marocains. Mais quelques jours après, on assiste à un coup de théâtre par l'annonce du 21 mars dernier, suite à une réunion présidée par le Chef de l'Etat en présence du premier ministre, du chef d'état-major de l'armée et du président de la Cour constitutionnelle notamment où « Il a été décidé la tenue d'une élection présidentielle anticipée, dont la date est fixée au samedi 7 septembre 2024. Le corps électoral sera convoqué le 8 juin 2024 ». Communiqué tout aussi laconique qui ne donne aucune explication ou justification à une telle décision d'anticipation des élections. On peut aisément imaginer les conséquences pratiques d'une telle décision. La campagne électorale se déroulera donc en plein été avec des chaleurs caniculaires qui pourraient décourager plus d'un pour vivre ces élections. A cela il faut rajouter le marathon estivalier que doivent parcourir les candidats potentiels à cette élection qui doivent recueillir les 600 signatures d'élus ou 75000 signatures de citoyens pour pouvoir se présenter. C'est cette complexité de la situation qui laisse libre cours à tous les scenarios possibles. Cependant, l'hypothèse de la non candidature du Président Tebboune à un second mandat ne sera pas si surprenante que cela. Démocratiquement « mal élu » en décembre 2019 avec un taux de participation record de 39,9 % – un des plus faibles de tous les scrutins algériens- et avec 58,1 % des voix, on ne peut mettre en avant sa popularité au niveau national. Ce d'autant que les citoyens algériens ont réitéré dans leur écrasante majorité le rejet du système par l'indifférence manifestée au moment du referendum sur la constitution proposée en novembre 2020 par le Président de la République qui a vu la participation de moins du quart des votants. Cette extraordinaire indifférence aurait pu alerter le « système » sur son impopularité malgré tout le soutien des gros médias publics comme privés dont il bénéficie. Il n'en est rien ! « La possession du pouvoir corrompt inévitablement la raison » disait Kant. Par ailleurs, le Président fêtera ses 79 ans en novembre prochain avec des antécédents sanitaires qu'on connait, il finirait son second mandat à 85 ans s'il se présentait. Et enfin, si son bilan à l'intérieur plaide pour une priorité donnée aux zones d'ombres, aux projets de développement de toutes sortes, à une redistribution de la rente énergétique aussi généreuse que possible, le bilan en matière de politique extérieure reste en deçà des espérances : le sommet arabe organisé en grandes pompes à Alger en novembre 2022 n'est qu'un souvenir et avait encore mis en relief les profondes divisions d'un mode arabe écartelé, l'échec de notre admission aux BRICS et plus récemment encore les tensions liées aux changements de régime dans certains pays du Sahel notamment le Niger et le Mali. Tirant les leçons de la fin peu glorieuse de l'ère de Bouteflika, le Président actuel ne voudra certainement pas revivre un hirak en sommeil mais capable de se réveiller à tout moment si le contexte s'y invite. Sortir par la grande porte comme l'a fait l'ex Président Zeroual en septembre 1998 en renonçant à un second mandat aussi hasardeux que périlleux nous parait crédible. Mais au-delà de ces scénarios, il est plus que légitime de se poser des questions sur l'alternative au pouvoir actuel. L'activité partisane étant en totale léthargie, et compte tenu du climat plus que tendu actuellement en matière de libertés publiques, peu de voix se font entendre dans la société civile. Or, et au risque de le répéter, le malheur de l'Algérie réside dans le fait que, si les politiques ne sont pas suffisamment nourris de connaissances, les technocrates ou les membres de la société civile sont désespérément apolitiques. Le salut ne pourra venir pourtant que de leur prise de conscience de cet état de fait et de leur union pour cette Algérie nouvelle espérance de tout un chacun. « L'incertitude est de tous les tourments le plus difficile à supporter ».