Par ammi Saïd Cher frère harrag, C'est avec un cœur lourd et plein de désespoir que je répond à ton E-Mail. Sache que moi, aussi, j'ouvre régulièrement ma boite et que je suis donc branché comme tous les gouvernements de la terre. A la lecture de tous les E-Mail que je reçois, j'ai compris combien je suis un gouvernement dur, terrifiant et sans cœur. J'ai compris que toutes les demandes convergent vers une demande impossible à accepter et satisfaire: autodétermination du peuple, son droit de choisir ses élus ou de les changer à chaque élection et la liberté dans un état juste et au service du peuple dans le respect total de ses choix et te ses demandes. Tout ce qui nous fait peur. Car ceux qui te gouvernent ont peur. Nous avons une peur difficile à décrire et à t'expliquer mon frère. Une peur futée, maligne et rusée comme un vieux renard mon frère. Une peur qui a une peur bleue de la vérité. Une peur qui menace de dévoiler tous nos secrets. Un peur noire, sûre et sans remède facile et sans effets secondaires graves mon frère. Une peur qui parfois terrorise nos âmes et violente nos nuits par des cauchemars mon frère. Un peur devenue mûre, insensible et impossible à apaiser mon frère. Une peur plus grave que celle qui t'a fait fuir même en risquant ta vie mon frère. Cette vie qui t'appartient, encore, mon frère et qui nous échappe mon frère car, elle est totalement gouvernée par notre peur mon frère. Celle qui nous répète sans cesse: vous allez perdre le pouvoir si vous refusez d'appliquer ce que je vous suggère, mon frère. Vous allez perdre le pouvoir et surtout ses privilèges: l'impunité, la richesse, l'aisance vaste comme l'univers, la sécurité et la gloire, mon frère. Ce que nous ne pourrons jamais posséder dans un cadre clair, juste et légal, mon frère. Parce que, bien avant votre indépendance, mon frère, nous avions accompli des actes impardonnables mon frère, des actes dont étaient victimes, tout nos frères et donc, vos pères les plus courageux, les plus intelligents et les plus sincères, mon frère (ou peut-être carrément mon fils, mon frère). Des actes barbares qui consistaient à éliminer sans pitié tous ceux ou celles qui voudraient que le pouvoir puisse échapper à nos mains qui tuent, qui volent, qui castrent, qui égorgent, qui torturent, qui violent et qui ne savent rien faire d'autre, mon frère. Des actes qu'il faut répéter sans arrêt pour asseoir un pouvoir autoritaire, violent et impitoyable, mon frère. Seul pouvoir ou système capable de nous rassurer de notre peur, mon frère. Cette peur qui nous dit: ne laissez pas les Algériens s'unir, se parler, se construire, se comprendre et s'entendre, mon frère. Ne les laissez pas travailler, créer, inventer, se développer et devenir autonomes et responsables, mon frère. Ne les laissez pas réfléchir, penser, choisir et tenter de réaliser leurs propres rêves et leurs doux et simples désirs, mon frère. Ne les laissez se servir des valeurs de leurs grand- pères, leurs grand-mères et leurs pères et mères, mon frère. Ne les laissez pas respirer l'air vivifiant et pur de la morale, de la fraternité, du savoir et de la liberté, mon frère. Ne les laissez pas se nourrir des mets exquis et fortifiants de la confiance en soi, de la confiance entre eux, de l'insoumission déterminée et pacifique et de l'amour désintéressé pour leur pays et sans peur, mon frère. Ne les laissez pas s'organiser pour construire, indépendamment de vous, leur pays, ses infrastructures, ses repères et l'avenir des générations futures, mon frère. Ne les laissez pas s'épanouir, respecter leur peuple et le rassurer en lui disant, nous sommes là n'aies pas peur. Ne les laissez pas découvrir les noms et les rôles des usurpateurs de leur histoire, des tueurs et des commanditaires des massacres, des assassinats et des disparus d'hier et de ceux qui disparaissent chaque jour (dans les mers, l'exil, le suicide, l'alcool, la folie, la drogue, le désespoir, la violence, le crimes, la prostitution, la soumission, le mensonge, la perversité, l'intolérance, le racisme, la haine, l'ignorance, la terreur, le deuil, la misère...). Ne les laissez pas écrire, peindre, chanter, voyager, sculpter, avancer, aimer, se marier, travailler, dignes...Ne les laissez pas se révolter, s'opposer, se politiser, s'associer...dont le but de réclamer un gouvernement à leur service et non plus pour votre service, mon frère. Fermez tout et verrouillez tous les nerfs et tous les cerveaux. Prenez tout et laissez les quémander de quoi survivre sans pouvoir hurler. Soyez des rois puissants et froids et rendez-les comme des esclaves fatalistes et sans horizon que celui de la servitude et de la soumission. Tuez tout les idées qui éveillent les consciences et qui réveillent ceux qui nous avions anesthésiés. Divisez les pour qu'ils puissent devenir des millions de petits morceaux impossibles à recoller. Créez entre-eux : la suspicion, la corruption, la méfiance, la haine, la rancune, la jalousie, l'intolérance, le déshonneur...afin de faciliter la tache de vos nègres, de vos flatteurs, de vos courtisans, de la main qui tue et qui vole pour vous, de la langue qui diffuse vos mensonges et vos slogans.... Tu vois mon frère, nous avons peur et c'est pour cela que nous vous terrorisons, mon frère. Nous sommes obligés de boucher toutes les issues pour tuer les cafards. Nous sommes obligés de vous maintenir emprisonnés pour vous empêcher de nous nuire. Vous êtes nos ennemis et un militaire et son civil ont le devoir de traiter leurs ennemis sans pitié. J'espère que ma réponse t'arrivera et te fera comprendre que c'est à nous de décider ce qui est faisable et ce qui est interdit pour toi, mon frère. Mes salutations dominatrices et sans peur, mon frère.