La Presse canadienne 19 novembre 2009 TUNIS — Au terme d'une procès qualifié d' »expéditif » par plusieurs avocats, la chambre correctionnelle du tribunal de première instance de Tunis a fixé au 26 novembre le prononcé du verdict dans l'affaire du journaliste dissident Taouk Ben Brik. L'audience, qui a duré un peu plus de trois heures, s'est achevée en queue de poisson à la suite d'un différend entre les avocats de la défense et le président de la cour sur l'ordre d'intervention des avocats pour les plaidoiries. Plusieurs observateurs étrangers, dont Mes William Bourdon, avocat français de Taoufik Ben Brik, et François-Xavier Matteoli, membre du conseil national des barreaux de France, le secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF) Jean-François Julliard, l'eurodéputée Hélène Flautre et trois membres de la famille Ben Brik ont assisté au procès. Le journaliste qui comparaissait en état d'arrestation était accusé d' »agression, atteintes aux bonnes murs et aux biens d'autrui » à la suite d'une altercation avec une femme qui a porté plainte. Elle lui fait grief de l'avoir « violemment bousculée, rouée de coups de pieds et renversée par terre, tout en proférant à son encontre des propos injurieux de nature à porter atteinte aux bonnes moeurs et d'avoir sciemment endommagé sa voiture ». Lors de son interrogatoire, Ben Brik s'est dit « victime d'une piège tendu par les services de sécurité » après les articles critiques du régime tunisien qu'il a publiés dans la presse française. « C'est une affaire montée de toutes pièces », a-t-il clamé en dénonçant par ailleurs « la falsification » de sa signature au bas des procès-verbaux de l'enquête de la police judiciaire présentés dans le dossier. Quant à l'avocat de la plaignante, Me Abderraouf Baâzaoui, il s'est étonné de voir « l'accusé s'ériger en victime » et « fuir ses responsabilités pénales ». Selon lui, sa cliente, qui dirige la filiale d'une entreprise, « n'a aucun lien avec la police » Me Bourdon a, lui, jugé « inquiétant » que l'affaire soit jugée sur le fond le jour même de l'ouverture du procès. « Je suis assez pessimiste quant au verdict », a-t-il déclaré à l'Associated Press. A ses yeux, « les éléments que contient le dossier ne sont pas crédibles ». « Il n'y a rien de sérieux dans le dossier instruit en Tunisie, comme dans celui instruit en France », a-t-il estimé en allusion à une affaire de « harcèlement et violence » dans laquelle est impliqué Ben Brik et qui doit être examinée en janvier par la justice française. « C'est une machination. La procédure fabriquée de A à Z contre M. Ben Brik ne pouvait conduire qu'à un procès inéquitable », a-t-il dit en déplorant le refus opposé par le tribunal aux demandes des quelque 40 avocats de la défense requérant le report de l'audience et l'audition des deux témoins à charge et de la plaignante. Après s'être plaint d'une tentative de fouille au corps que voulaient lui imposer des policiers ainsi qu'à sa collaboratrice à leur sortie du palais de justice, Me Bourdon a déclaré qu'il allait rendre compte de « la dégradation des droits de l'Homme et de la situation des avocats en Tunisie à son bâtonnier, aux pouvoirs publics et aux instances européennes ».