Le Soir d'Algérie 22 décembre 2009 Le ministère de la Santé a imposé à l'Institut Pasteur d'Algérie de signer le contrat de fourniture de vaccin avec Glaxo Smith Kline. De graves anomalies ont été constatées dans le document signé entre les deux parties. Une des clauses prévoit une immunité judiciaire de fait en faveur du laboratoire pharmaceutique, ce dernier ne garantissant pas la qualité de son vaccin. Tarek Hafid – Alger (Le Soir) – Les tergiversations et la stratégie de communication adoptées par le département de Saïd Barkat renforcent les doutes qui pèsent depuis quelque temps sur la qualité du vaccin fourni par le laboratoire pharmaceutique. Au-delà de la polémique née du report de la campagne de vaccination, il est aujourd'hui nécessaire de revenir sur les conditions dans lesquelles a été négociée la fourniture du vaccin à l'Algérie pour une somme qui avoisine les sept mille quatre cent millions de dinars algériens, soit près de 73 millions d'euros. Statutairement, l'Institut Pasteur d'Algérie est l'organisme habilité à négocier ce type de contrat pour le compte de l'Etat algérien. Mais il s'avère que l'IPA n'a eu qu'un rôle «accessoire» dans ce processus de négociation puisque le ministère de la santé s'est chargé seul des tractations avec les laboratoires pharmaceutiques. Un processus mené dans «l'urgence» qui a abouti au choix de GlaxoSmithKline pour la fourniture de 20 millions de doses et de Novartis pour 10 millions de doses de vaccin antigrippe H1N1. Bien que n'ayant pas participé à la phase de négociations, l'Institut Pasteur d'Algérie se devait toutefois d'intervenir en qualité de partie contractante dans la passation de ce marché de gré à gré. Réserves Une situation qui a donné lieu à des réticences de la part de la direction et de la commission des marchés de l'IPA. Et pour cause, le contrat tel que négocié initialement comportait une série d'anomalies. Dans une correspondance adressée, le 4 août 2009, au secrétaire général du ministère de la Santé, le directeur général adjoint de l'Institut Pasteur d'Algérie dresse une liste non exhaustive des failles. «Absence de garantie du vaccin ; compétence de la juridiction britannique en cas de litige ; obligation d'acquérir tout le volume du vaccin pandémique, même en cas de retard de livraison ; étiquetage exclusivement en langue anglaise ; livraison des lots à l'aéroport de Bruxelles au lieu de celui d'Alger ; taxes, impôts et droits de douanes dus par GSK à la charge exclusive de l'IPA…» Des clauses concernant la possibilité de basculer la commande vers la production de vaccins contre la grippe saisonnière en cas d'éventuelles recommandations de l'OMS ainsi que celles relatives aux délais de livraison s'avèrent, elles aussi, en défaveur de la partie algérienne. Pressions La gestion de la pandémie tourne très vite à une affaire d'Etat. Le ministère de la Santé fait intervenir le Premier ministre. Ce dernier adresse une correspondance officielle au ministre des Finances précisant que cette opération sera confiée à l'Institut Pasteur d'Algérie. «Le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière m'a fait part des dispositions prises en matière d'acquisition de vaccins destinés à faire face à la pandémie de grippe A/H1N1 et a engagé dans ce sens des consultations avec les laboratoires qui produisent ces vaccins. Dans ce cadre, je vous précise que l'achat des vaccins sera financé sur le Fonds spécial pour les urgences et activités de soins, étant entendu que le budget de l'Etat procédera ultérieurement à la compensation appropriée. Je vous fait part, en outre, de mon instruction de confier la conclusion du marché d'acquisition des vaccins à l'Institut Pasteur d'Algérie et vous charge d'en faire état à la Commission nationale des marchés qui doit traiter cette opération avec la diligence requise», peut-on lire dans cette correspondance du Premier ministre. Le département de Saïd Barkat se chargera par la suite de transmettre l'instruction à la direction de l'IPA qui signera le contrat avec GlaxoSmithKline le 3 septembre 2009. Notons au passage que le contrat prévoyant l'achat de 10 millions de doses auprès de Novartis sera finalement annulé. «Sans garanties» En fait, certaines réserves émises initialement par l'Institut ont été prises en compte. Mais pas toutes. C'est le cas de celle concernant la garantie générale du vaccin. «Ni GSK ni aucune de ses filiales ne fournissent la moindre déclaration garantie de quelque nature que ce soit, de manière express ou tacite, concernant la fourniture, la livraison, la qualité, l'efficacité, la sécurité ou tout autre fait relatif au vaccin pandémique qui sera développé, produit, stocké et fourni en vertu du présent contrat. Toutes les déclarations, garanties, conditions et autres termes pouvant être induits par des règlements ou par la loi, qu'ils concernent ou nom les aspects précités, sont exclus du présent contrat dans la limite autorisée par la loi», précise l'article 13 de ce contrat. En clair, le laboratoire ne garantit pas la qualité de son produit ! La mesure, inscrite noir sur blanc dans le document paraphé par les deux parties, peut être utilisée par GSK en cas de problème. De plus, les clauses relatives aux modalités financières sont quasiment toutes en faveur du laboratoire pharmaceutique. Le calendrier de livraison arrêté par les deux parties soulève, lui aussi, des interrogations. En effet, celui-ci prévoit une livraison de 11,7 millions de doses — plus de la moitié de la commande de l'Etat algérien — prévue pour le mois de mai 2010. Ce délai qui annule totalement le caractère «d'urgence» imposé à cette opération par le département de Saïd Barkat.