Dans la wilaya de T�bessa, le trafic de carburant vers la Tunisie a atteint des proportions impressionnantes. Chaque jour, d�importantes quantit�s de gasoil et d�essence traversent ill�galement les fronti�res. Les unit�s du Groupement de gendarmerie nationale et des gendarmes gardes-fronti�res tentent de juguler ce ph�nom�ne en traquant les contrebandiers. De notre envoy� sp�cial � T�bessa, Tarek Hafid Le quotidien des automobilistes t�bessis se r�sume en un seul mot : calvaire. �C�est devenu invivable. On est oblig� d�attendre des heures devant les stations-services pour faire le plein�, peste Amar en conduisant nerveusement son taxi. Pour �viter les queues interminables, le jeune homme va �tre oblig� d�installer un kit GPL sur son v�hicule. �Je n�ai jamais �t� un adepte du Sirghaz mais l�, je dois dire que je n�ai plus le choix. C�est la seule solution pour �viter de passer mes journ�es � faire la queue pour un plein d�essence. Mais je suis persuad� que m�me le GPL serait indisponible si les contrebandiers avaient les moyens de le transporter jusqu�en Tunisie�, ironise-t-il. Depuis quelques ann�es, la contrebande de carburant vers la Tunisie a atteint des proportions tr�s inqui�tantes. Sur le plan financier, ce trafic est des plus lucratifs. Le litre de gasoil achet� 13 DA est revendu pour l��quivalent de 90 DA en Tunisie. Mais il est tr�s difficile d��valuer avec pr�cision les quantit�s de gasoil et d�essence qui traversent quotidiennement les fronti�res. Les seules donn�es fiables proviennent des saisies effectu�es par les unit�s du Groupement de gendarmerie nationale de T�bessa. �Durant les quatre premiers mois de l�ann�e 2009, nous avons saisi 31 544 litres de gasoil et 5 881 litres d�essence. En 2010, pour la m�me p�riode, nos unit�s ont r�ussi � r�cup�rer plus du double des quantit�s de gasoil, soit 68 763 litres, et pr�s du triple en essence avec 16 262 litres. C�est une preuve que ce ph�nom�ne est en nette augmentation�, explique le lieutenant-colonel Mohamed Boussa�d, commandant du Groupement de gendarmerie nationale de T�bessa. R�seaux Dans cette r�gion, la contrebande de carburant est loin d��tre un simple business. C�est un trafic parfaitement organis� qui est g�r� par des mafias structur�es en r�seaux. En fait, tout d�bute dans les stations-services. Les gnatrias (les contrebandiers) font comme tout le monde : ils se servent � la pompe. Pour cela, ils b�n�ficient de la complicit� de certains g�rants de stations. Ils utilisent des v�hicules de gros tonnage, des tracteurs routiers notamment, qui ont des r�servoirs aux capacit�s importantes. Le carburant est ensuite achemin� vers des points de collecte situ�s dans des zones urbaines, � la p�riph�rie des villes. C�est dans ces entrep�ts clandestins que le gasoil et l�essence sont mis dans des jerricans de 20 � 30 litres. Le trafic entre dans sa phase active lorsque le carburant est charg� dans des berlines afin d��tre achemin� de l�autre c�t� de la fronti�re. Les trabendistes utilisent g�n�ralement d�anciens mod�les Peugeot � les s�ries 504, 505 et 604 � ainsi que des Renault 25 et des pick-up japonais. Ces v�hicules offrent l�avantage d��tre puissants et solides. Les chauffeurs n�h�sitent pas � rouler � plus de 150 km � l�heure pour �chapper aux barrages et aux embuscades tendues par les gendarmes. Les individus qui se lancent dans cette activit� agissent dans une logique suicidaire. A cette vitesse, les accidents de la route sont quasi quotidiens et tr�s souvent meurtriers. Blindage Mais rien n�arr�te les gnatrias. Double r�servoirs, suspensions renforc�es, protections du bas de caisse� ils utilisent diff�rentes techniques pour augmenter les capacit�s de leurs v�hicules. Mieux, la semaine derni�re, un trafiquant n�a pas h�sit� � sortir la grosse artillerie : une R25 totalement blind�e ! Un v�ritable char d�assaut que les gendarmes de la brigade d�El Haouijebet, une petite commune situ�e � mi-chemin entre T�bessa et le poste frontalier de Bouchebka, ont r�ussi � mettre hors circuit. �Ce v�hicule blind� n�a pas de carte grise. Son propri�taire l�utilisait uniquement pour la contrebande de carburant. Les premiers �l�ments d�information indiquent que cette voiture de luxe a �t� vol�e en France. Elle �tait la propri�t� d�une chancellerie accr�dit�e dans ce pays�, indique l�adjudant-chef El Hachemi Halis, chef de brigade d�El Haouidjebet. S�lection Dans la lutte contre le trafic de carburant, les services de s�curit� alg�riens semblent seuls sur le terrain. �Nous n�avons aucun rapport avec eux�, se contente de r�pondre le commandant Bechinia, chef du 14e Groupement de gendarmes gardes-fronti�res d�El Aouinet, � une question sur les relations avec ses homologues de l�autre c�t� de la fronti�re. L�officier ne s��talera pas sur cette question par obligation de r�serve. Mais il est clair que la contrebande de carburant est loin d��tre le souci majeur des autorit�s tunisiennes. Ces derni�res appliquent une strat�gie de �lutte s�lective�. Ainsi, le trafic de carburant est tol�r� car il est consid�r� comme �profitable� pour l��conomie de ce pays. Cette logique est �galement appliqu�e pour les produits agroalimentaires tunisiens introduits ill�galement en Alg�rie. Ces op�rations d�exportation ill�gales permettent aux usines de p�tes, d�huile et de tomate en conserve de tourner � plein r�gime. Par contre, les autorit�s tunisiennes savent se montrer impitoyables lorsque leurs int�r�ts �conomiques sont menac�s. Ainsi, les contrebandiers qui tentent de faire entrer en Alg�rie des veaux sont s�v�rement punis. En plus des peines de prison et des amendes, les trafiquants alg�riens peuvent m�me �tre interdits de s�jour en Tunisie. Strat�gie Pour lutter efficacement contre la contrebande, notamment le trafic de carburant, le commandement du Groupement de gendarmerie nationale de T�bessa a mis en �uvre une nouvelle strat�gie. �Notre strat�gie vise � prendre en charge tous les facteurs de ce ph�nom�ne. Le premier axe concerne le renseignement avec l�intervention de la section de recherche. Pour ce qui est des moyens de transport, nous avons pris des mesures pour contr�ler plus efficacement les v�hicules qu�utilisent les trabendistes. Tout v�hicule suspect est syst�matiquement v�rifi�, souligne le lieutenant-colonel Mohamed Boussa�d, commandant du Groupement de gendarmerie nationale de T�bessa. Cette strat�gie prend �galement en compte les r�seaux d�approvisionnement et de stockage des carburants. Les stations-services de la wilaya et les zones urbaines susceptibles d�accueillir des d�p�ts ont �t� plac�es sous hautes surveillance. Il semble que ces mesures aient commenc� � donner des r�sultats probants. Lors d�une op�ration coup de poing, qui s�est d�roul�e la semaine derni�re sur l�ensemble du territoire de la wilaya, les gendarmes ont r�ussi � arr�ter dix contrebandiers. Les saisies, op�r�es, en seulement 24 heures, sont cons�quentes : 8 200 litres de gasoil, 1 926 litres d�essence, 9 v�hicules en plus de diverses marchandises. Des saisies estim�es � plus de 1 milliard et 15 millions de centimes. Notons que les interventions ont cibl� un d�p�t de carburant dans le quartier Ezzitoune, sur les hauteurs de la ville de T�bessa. La fermeture d�une station- service dans la ville de Chr�a est, sans nul doute, un des faits marquants de cette op�ration. �Nous avons constat� que le g�rant avait �t� livr� en carburants mais qu�il ne vendait qu�� certains individus. Nous avons saisi officiellement le service de l�Energie et des Mines de la wilaya de T�bessa afin que le gel de sa licence lui soit signifi�, a pr�cis� le lieutenant- colonel Mohamed Boussa�d. T. H. PAONS, LAINE, PIGNONS DE PIN, C�DRE DE L�ATLAS Les trabendistes innovent Rien n��chappe � l�emprise des contrebandiers. Leur pr�occupation principale consiste � surveiller les prix des produits de part et d�autre de la fronti�re afin d�en tirer une plus-value. C�est le cas pour la laine de mouton dont le quintal en Tunisie �quivaut � 3 500 DA. Les trabendistes peuvent en tirer le double puisque le prix de la laine en Alg�rie atteint actuellement les 7 000 DA. Mais il arrive que les gendarmes fassent des d�couvertes tr�s surprenantes. A l�instar des 13 paons qui ont �t� r�cemment saisis dans un v�hicule qui s�appr�tait � traverser la fronti�re en direction de la Tunisie. Aujourd�hui encore, nul ne sait � qui �taient destin�s ces oiseaux d�apparat ! Dans la wilaya de Khenchela, un individu a �t� arr�t� en possession d�une grande quantit� de rondins de c�dre de l�Atlas, un arbre prot�g� par la loi. Ce bois �tait destin� �galement � la Tunisie. Parmi les produits en cours de �lancement �, on peut �galement citer les pignons de pins. Depuis le d�but de l�ann�e en cours, le Groupement de gendarmerie de T�bessa a saisi une quantit� de 3, 70 quintaux de ce produit.