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Contribution
Du d�bat d�id�es aux d�g�ts collat�raux Par Sa�da Messous*
Publié dans Le Soir d'Algérie le 19 - 05 - 2010

Depuis qu�une certaine libert� d�expression a �t� quelque peu tol�r�e dans notre pays, j�ai toujours essay� de faire la part des choses, en exposant �pisodiquement quelques id�es sur la presse nationale. Je me suis notamment abstenu de porter des jugements de valeur sur des hommes, particuli�rement lorsqu�ils ne sont plus de ce monde. Le livre du Docteur Sa�d Sadi, par ailleurs cr�ateur et pr�sident d�un parti politique, m�oblige � sortir de ma r�serve � cause des r�actions souvent caract�ris�es par soit une m�connaissance de la situation qui pr�valait � l�int�rieur du pays durant la guerre de Lib�ration nationale, soit par une volont� de combattre m�me par des moyens immoraux tout ce qui se rapporte � une r�gion � laquelle on reconna�t � la fois un r�le majeur dans la lutte et impute les pires atrocit�s.
Deux r�actions publi�es dans le quotidien Le Soir d�Alg�rie du 9 mai 2010 m�ont particuli�rement chagrin�. La premi�re de l�ancien chef de la Wilaya II, le colonel Ali Kafi, qui deviendra apr�s l�assassinat de feu Mohamed Boudiaf pr�sident du Haut-Comit� d��tat, et la deuxi�me de Mourad Benachenhou, ancien du MALG. La r�action �pidermique de Monsieur Ali Kafi n�est pas �tonnante. Elle est la traduction d�une volont� de s�accaparer l�histoire de ce pays. En effet, de quel droit peut-il interdire � tel citoyen qui aurait des capacit�s de se livrer � un exercice de l��criture de l�Histoire. La souverainet� populaire ne peut �tre appropri�e par un individu ou un groupe d'individus. Lib�rer le pays du joug colonial et participer au recouvrement de la souverainet� nationale n�octroie point un droit de propri�t�. Les acteurs de la guerre de Lib�ration nationale n�ont fait que leur devoir, et rien d�autre. Ils ne sont que des citoyens parmi tous les autres habitants ou individus peuplant l�Alg�rie. Ils n�ont aucun droit ou l�gitimit� � se comporter en censeurs de tout ce qui s��crit sur la R�volution d�clench�e le 1er Novembre 1954. Bien au contraire, ils doivent encourager le d�bat contradictoire des id�es. C�est � ce prix qu�une v�ritable d�mocratie sera instaur�e et que le serment fait aux chouhada sera respect�. J�ose esp�rer que la mention de r�server l��criture de l�histoire de la R�volution aux seuls sp�cialistes et acteurs n�est qu�une simple r�action faite � l�occasion d�une discussion libre avec des journalistes, et non le fruit d�une r�flexion approfondie. La deuxi�me r�action est celle de Monsieur Mourad Benachenhou dans la mise au point � Rachid Adjaout que je trouve purement grotesque et significative d�une attitude indigne d�un combattant de l�Arm�e de Lib�ration nationale, puisqu�il se pr�tend maquisard en Wilaya V. Monsieur Benachenhou qualifie de crime de guerre les tragiques �v�nements qu�a connus la Wilaya III en 1958. Il rejoint ainsi le point de vue d�fendu par certains �crivaillons exil�s et celui de l�ancienne puissance occupante. La question qui se pose est de savoir sur quels documents ou t�moignages se fond Monsieur Benachenhou Mourad pour affirmer une telle ineptie. Il affirme que tous ceux qui ont particip� � cette op�ration sont des criminels de guerre et doivent r�pondre devant l�Eternel de ces crimes. Dans son esprit, il a d�j� condamn� tous les maquisards de la Wilaya III. Au lieu de se livrer � des accusations posthumes sur des �v�nements qu�il n�a pas v�cus, il e�t �t� souhaitable que Monsieur Mourad Benachenhou t�moigne sur ce qui s�est pass� au Maroc o� il se trouvait durant longtemps. Ce n�est un secret pour personne que le poste de commandement de la Wilaya V se trouvait � Oujda � partir de 1957. Que le chahid le colonel Lotfi a pay� de sa vie son refus d�admettre le maintien du poste de commandement de la Wilaya V � l�ext�rieur. La question qui se pose est celle de savoir s�il n�y a pas un lien entre son opposition � la situation du commandement de la Wilaya V en dehors des fronti�res de l�Alg�rie combattante et son �limination ? N�est-il pas victime au m�me titre que feu les colonels Amirouche et Si El Haou�s de la d�cision de faire taire toutes les voix qui se sont �lev�es contre la violation des principes arr�t�s au Congr�s de la Soummam, � savoir :
la primaut� du politique sur le militaire ;
la primaut� de l�int�rieur sur l�ext�rieur ;
last but not least la coll�gialit� dans l�exercice du pouvoir, ce qui exclut le culte de la personnalit�.
Je souhaiterais que Monsieur Benachenhou Mourad, qui semble �tre bien plac� pour conna�tre beaucoup de choses, nous apprenne comment Abane Ramdane a �t� assassin�. Qu�il nous d�voile, enfin, l�auteur de la d�cision de son ex�cution ! Etait-ce une d�cision coll�giale ou bien celle d�une seule personne qui a pris la responsabilit� de mettre fin � la vie et � l��uvre du th�oricien nationaliste ? Il me semble que la d�cision coll�giale qui a �t� prise � son sujet �tait son emprisonnement et non pas son �limination. Alors comment qualifier celui qui a pris la d�cision personnelle d�assassiner Abbane Ramdane ? De criminel de guerre �galement ou bien sa position lui permet tous les abus ? Le Maroc n��tait pas l�int�rieur du pays. Toutes les conditions de s�curit� pour maintenir en �tat d�arrestation feu Abane Ramdane �taient r�unies. Alors pourquoi l�assassiner et encenser celui qui a pris cette terrible d�cision du premier assassinat politique d�un nationaliste endurci ? Cet acte ne peut s�expliquer que par la crainte de celui qui a ordonn� contre l�avis unanime des autres membres du CCE de la r�action des futurs ge�liers, qui auraient r�agi autrement d�s qu�ils auraient connu la v�ritable identit� de leur prisonnier, qui �tait d�j� qualifi� de th�oricien de la R�volution alg�rienne. Les imp�ratifs de l�unit� du combat lib�rateur ont fait taire beaucoup de responsables � l��poque, obnubil�s qu�ils �taient par l�unit� nationale. C�est avec un c�ur meurtri qu�ils ont subi et gard� le silence sur cette trag�die. Je fus l�un des premiers � poser la question de conna�tre les conditions de l�assassinat de feu Abane Ramdane en juin 1962. J�ai eu le privil�ge et lu avec tristesse le proc�s-verbal que m�a montr� feu Krim Belkacem, du Conseil de coordination et d�ex�cution (CCE) o� il �tait question d�emprisonnement et non d�assassinat du th�oricien de la R�volution alg�rienne. Parmi les ex�cutants de cet assassinat politique, certains sont encore en vie, j�ai m�me entendu dire que l�un d�eux a fait une d�pression nerveuse d�s qu�il a eu connaissance de l�identit� de celui qu�il a assassin� sur un ordre du plus haut responsable au Maroc. Que de plus, cet ordre qu�il ne pouvait refuser, lui aurait valu un s�jour en milieu psychiatrique, et lui a donn� l'occasion de se retrouver en formation dans un pays fr�re sur ordre de feu le colonel Amar Ouamrane auquel il se serait confi�. Il serait bon s�il est encore en vie, qu�il apporte son t�moignage, puisque seuls les acteurs peuvent donner la v�ritable version des faits. Monsieur Benachenhou Mourad raisonne en 2010. Il oublie que la guerre a eu lieu il y a plus de cinquante ans. Que l�Alg�rie combattante n�avait ni prison et encore moins de territoire lib�r� pour garder des prisonniers. Il oublie ou il ignore qu�en temps de guerre n�cessit� fait loi. L�affaire dite des bleus de chauffe qu�a connue l�int�rieur du pays �tait une trag�die pour les moudjahidine de la Wilaya III. Les services psychologiques de l�arm�e coloniale disposaient de moyens colossaux leur permettant de confectionner de v�ritables vrais faux documents. Combien d�intellectuels y avait-il � l�int�rieur du pays, capables, si la n�cessit� du combat et les op�rations ennemies le permettaient, de se poser la question sur l�origine douteuse de certains documents ? Tr�s peu. La guerre de Lib�ration a d�abord �t� men�e par une paysannerie constitu�e du prol�tariat le plus exploit� par la colonisation fran�aise et ensuite par des coll�giens et lyc�ens politiquement peu form�s qui se sont engag�s dans le combat lib�rateur apr�s la gr�ve d�cr�t�e par Abane Ramdane et surtout apr�s la r�pression coloniale des populations des villes apr�s l�inscription de la question alg�rienne � l�ordre du jour de l�ONU. Monsieur Benachenhou se rappelle de temps � autre � l�opinion publique, surtout lorsqu�il se sent oubli� de tous. Je me souviens d�un article qu�il a commis dans un journal quelque temps apr�s la fin de ses fonctions minist�rielles et dans lequel il s��tait comport� en donneur de le�ons, notamment sur le ph�nom�ne de la corruption alors qu�il n�en a souffl� mot durant toute sa carri�re. Il dispose manifestement d�un potentiel intellectuel lui permettant d��crire, qu�il l�utilise donc � bon escient. Qu�il cesse d�insulter les h�ros, et surtout, s�il a le temps et la volont� de faire �uvre utile, qu�il fasse profiter de ses v�rit�s cette jeunesse qui pr�f�re parfois servir de nourritures aux poissons que de rester dans leur pays. Que Monsieur Benachenhou Mourad se livre � une analyse sereine de la situation du pays et sur la nature du pouvoir qu�il a longtemps fr�quent� et qu�il fr�quente encore certainement, je suis certain qu�il aura beaucoup de lecteurs qui n�h�siteront pas � le remercier. Je ne peux terminer sans rendre hommage au fr�re Rachid Adjaoud qui demeure toujours combatif malgr� son �tat de sant�. Qu�il trouve ici mes sentiments fraternels et mes souhaits de bonne sant� et d�une longue vie.
S. M.
* Ancien officier de l�ALN, en Wilaya III


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