Un nouveau témoignage est venu apporter à la justice les preuves que l'Etat français était au courant du financement qu'effectuait l'usine Lafarge en Syrie au profit de l'organisation terroriste Daesh. C'était le quotidien Le Monde qui avait révélé l'affaire en juin 2016 se basant sur des sources anonymes. Le journal avait indiqué que la société française, numéro un mondial du ciment depuis sa fusion avec le suisse Holcim, pour continuer de fonctionner pendant la guerre en Syrie, sa cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays, «s'est approvisionnée et a payé des taxes à l'organisation "Etat islamique" en 2013 et 2014». En novembre 2016, l'ONG Sherpa a déposé plainte contre Lafarge, notamment pour financement du terrorisme, après les révélations du Monde, et s'est constituée en partie civile. Le nouveau témoignage devant la justice de Jean-Claude Veillard, ancien directeur sûreté de Lafarge, rapporté par le journal Libération dans son édition d'hier, révèle que les renseignements français étaient informés de «façon précise et régulière» et que la présidence et le ministère des Affaires étrangères «participaient à des discussions stratégiques sur l'envoi de soldats dans l'usine. Libération estime que cette révélation «sulfureuse, ouvre un nouveau front» dans l'enquête judiciaire sur les agissements de Lafarge en Syrie. Jean-Claude Veillard fait partie, selon le journal, des six dirigeants du cimentier mis en examen pour avoir versé d'importantes sommes d'argent, entre 2012 et 2014, à plusieurs groupes armés, dont Daesh, dans le but de «poursuivre l'activité de la cimenterie syrienne en zone de guerre». Il a indiqué à la justice qu'il informait systématiquement, «sans aucun tri», les services de renseignement français qui étaient au courant de la «réalité du financement» de Daesh par Lafarge. «Au cours des réunions, j'ai donné toutes les informations», a expliqué le responsable de la sûreté de l'usine qui avait rencontré à 33 reprises les différents services de renseignement extérieurs : Direction du renseignement militaire (DRM), Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) entre 2012 et 2014. Selon Libération, c'est un canal «fructueux», «qui a pu permettre au plus haut niveau de l'Etat d'être avisé en temps réel des équilibres militaires dans le nord de la Syrie, mais aussi de la réalité des agissements de Lafarge». «En 2013, j'ai compris l'économie générale au profit des groupes armés», puis en 2014, les «liens avec Isis (Daesh, ndlr)», a indiqué Jean-Claude Veillard, précisant qu'en octobre ou novembre 2014, il avait eu des contacts avec le cabinet militaire du président François Hollande. «Mon simple objectif était de faire comprendre que cette usine pouvait être utilisée comme base dans le cadre de déploiement des forces militaires françaises», a-t-il expliqué. Le journal rappelle que l'usine a été occupée par les forces spéciales américaines et, quelques semaines plus tard, par les forces spéciales françaises.