L�inquisition linguistique est de retour mais cette fois-ci gr�ce � la caution de quelques clercs de l�universit�. Une triste nouvelle qui est rapport�e par l��crivain Amine Zaoui, lequel vient de constater avec amertume que l�exclusion rampante est � l��uvre dans la mani�re de dispenser l�enseignement de la litt�rature nationale. Dans une de ses r�centes chroniques paraissant dans le journal Libert�, il faisait �tat d�un cours magistral dont l�essentiel a consist� � �tablir des distinguos quasi-identitaires selon que l�auteur s��tait employ� � �crire dans l�une ou l�autre graphie. En fait, le retour cyclique de ce �refoul� politique�, par le biais, aussi bien, des travaux acad�miques que de certains cercles po�tiques (� l�exemple d�El Djahidia et de son mentor Tahar Ouettar), renseigne sur notre incapacit� ancienne � assumer avec s�r�nit� l�h�ritage global de notre pass� et les influences qu�il a laiss�es en legs. En effet, si le d�bat autour de la langue nationale est aussi vieux que le mouvement de lib�ration, son inach�vement d�note, d�une part, le caract�re biais� des r�ponses qu�on lui administra et, d�autre part, l�instrumentalisation f�roce du sujet � des fins de conqu�te de parcelles du pouvoir politique. L�exacerbation de la question par des enjeux politiciens a contribu� � cr�er des fractures linguistiques que l�on a vite fait de mettre sur le compte d�une fantasmatique �r�volution� identitaire. Artificiellement, s��tablirent alors des lignes conflictuelles entre les locuteurs des deux bords qui autoris�rent le recours � la stigmatisation par la loi. � ce sujet, il n�y a qu�� rappeler les surench�res d�un certain Abdelaziz Belkhadem, alors pr�sident par int�rim de l�APN en d�cembre 1990, qui fit passer en force une loi comminatoire sur l�usage g�n�ralis� de l�arabe dans un d�lai n�exc�dant pas 6 mois ! Ainsi, au concept moderne de �l�alt�rit� � diversit�, l�on opposa durement et sans discernement l�archa�que �homog�n�isme � h�g�monisme� d�un idiome unique et qui se veut, � ce jour, fondateur de l�identit� nationale. Tranch�e dans cet esprit, la question ne pouvait qu�inspirer certaines sph�res en mal de reconnaissance dans leur domaine comme il semble �tre le cas de ces �douktour� que d�nonce l��crivain Amine Zaoui. Avec l�autorit� professorale que leur conf�re l�universit�, ils n�ont pas h�sit� � travestir cette �alt�rit� �, qui est pourtant le signe distinctif de la tribu Alg�rie, en �ali�nation � pour quiconque n�a pas su s�exprimer dans la langue lointaine d�Ibn Zeydoun. Et c�est de la sorte que les �uvres des romanciers, po�tes et publicistes, surgis au c�ur de la guerre de l�ind�pendance, sont de nos jours pass�es au crible des crit�res de l�authenticit� ! Bien qu�il soit difficile d�admettre une pareille infamie de la part des �lumi�res� de l�universit�, l�on ne peut cependant oublier que le premier � avoir mis en ��quation� cette relation avec la langue fut l�un des pr�curseurs de la litt�rature engag�e. C�est � Malek Haddad justement que l�on doit la fameuse fulgurance � partir de laquelle il d�cr�ta son �exil dans la langue fran�aise�, y ajoutant, en toute bonne foi, qu�il serait toujours un �orphelin de lecteurs� tant qu�il ne se serait pas r�concili� avec la langue de sa m�re. Bien plus que Kateb Yacine et Mammeri, qui n�eurent pas � souffrir d�un tel �tat d��me, Malek Haddad, sans pourtant rien renier de sa po�sie ni de culpabiliser sur son ignorance de la langue tribale, a par contre ressenti ce d�ficit comme une d�chirure int�rieure. Signe de la permanence de notre malentendu linguistique, ce po�te l� avait longtemps port� comme un fardeau cette autoexclusion dont la ligne de partage demeure � ce jour l�arbitraire de la graphie par o� passe la �nationalit� du cr�ateur. 32 ann�es apr�s sa disparition (3 juin 1978), Malek Haddad repr�sente toujours l��chec des options initiales par lesquelles de �vertueux � dirigeants corset�rent le g�nie d�une nation. Une langue unique associ�e � une pens�e univoque constitua la recette pour st�riliser sa cr�ativit� et contraindre m�me les lumineux po�tes � devenir des scribes aux ordres. Sans tout � fait s�y soumettre, Malek Haddad fut pourtant parmi les plus c�l�bres � s�y conformer par une sorte de dette, qu�il pensait devoir payer pour sa m�connaissance du verbe officialis�. � l�union des �crivains dont il fut d�ailleurs l�un des cofondateurs aux c�t�s de Boudia, Mammeri et Jean S�nac, les modalit�s de cooptation chang�rent au d�but des ann�es 70. Le crit�re de l�arabophonie devenait alors d�terminant et les auteurs ��trangers� � cette langue furent marginalis�s ou, pis, pouss�s � la porte. Certains r�sist�rent et se content�rent de strapontins et de privil�ges en contrepartie d�une docilit� exig�e alors que l��puration linguistique �tait en route. Simultan�ment, les p�dagogues de l��tat se mirent � expurger les livres scolaires de toute r�f�rence aux auteurs alg�riens de langue fran�aise. D�s lors, la langue devint le sas de l�alg�rianit� � enseigner aux �coliers. L��uvre de Haddad, pourtant devenu chantre officiel, ne fut pas mieux �pargn�e que celles de Dib, Mammeri ou Kateb. C�est de cette �poque que datera son �exil� (total) dans la langue fran�aise� qu�il redoutait tant. Une double peine que ce po�te assuma en silence mais qui, h�las, redonne, de nos jours, des id�es et une bonne conscience � ces th�sards qui s�efforcent d�instruire un proc�s historique � la litt�rature alg�rienne d�expression fran�aise au pr�texte qu�elle fut jamais �nationale�, sinon par l��vocation folklorique d�un pays perdu. C�est ainsi que certaines factions de l�universit� alg�rienne s��panouissent � l�ombre d�une �langue� qui, souvent, n�est m�me pas celle� de la m�re.