Quand Ammar Ghoul, alors ministre des Transports, avait parlé de la création d'«avions-taxis», un internaute particulièrement inspiré lui avait posé cette question : et les... voitures-taxis, c'est pour quand, Monsieur le ministre ? Au-delà de sa finesse, la réplique n'avait rien d'exagéré dans la vraie vie. S'il y a une légère amélioration depuis, nous sommes toujours loin des standards de qualité de service en la matière. Alger demeure l'unique capitale du monde où les taxis ont une «destination». Ils s'arrêtent plusieurs fois pour embarquer d'autres clients, on appelle ça le «jumelage». Ils vous envoient faire l'appoint, parfois en vous sommant de laisser une pièce d'identité, votre téléphone ou votre petit bagage parce que la confiance ne règne pas. Ils font du «jumelage» mais pas question de mixité sur le siège-arrière. Parce qu'en plus de vous transporter, ils s'occupent aussi de votre moralité, étant entendu que chaque passager est un violeur en puissance. Ils ont un compteur mais si vous n'allez pas dans leur destination «habituelle», ils proposent de vous prendre «en course», c'est-à-dire deux, voire trois fois plus cher. Si vous tombez sur un fumeur, il ne va pas se gêner pour en griller une ou plusieurs, c'est tout juste s'il a la politesse d'ouvrir sa vitre. Bien sûr, si vous êtes avec un non-fumeur, n'essayez même pas de faire le geste vers votre paquet. Ils imposent leur musique aux autres mais quand un barbu les somme d'arrêter ça, ils se couchent. Sinon, ils vous imposent eux-mêmes leur Coran ou leurs prêches. Ils roulent à une vitesse tombale et quand vous leur demandez de ralentir, ils vous toisent en étalant leurs états de service qui ne sont jamais loin des pilotes de Formule 1. Ils ne mettent jamais la clim parce qu' «il ne manquerait plus que ça». Ils n'arrêtent pas de fulminer dès qu'il sont pris dans un petit embouteillage et ils le font en vous regardant sans aménité comme si vous étiez responsable de tous les bouchons du monde. Ils ne disent pas merci quand vous quittez leur véhicule, ne répondent pas quand vous dites merci, mais si vous oubliez de dire merci, ils refont votre éducation et vous administrent une leçon de bonnes manières. Quand ils vous concèdent une discussion, c'est pour se plaindre. De la circulation, de ceux qui roulent en voiture juste pour leur pourrir la vie et du crédit à la consommation qui a permis «même aux secrétaires» d'acheter des véhicules. De l'Etat qui ne leur vend pas les voitures, les carburants et les pièces de rechange moins cher. Des impôts et de la vignette. Des garages, de l'absence de couloirs réservés et de plein d'autres choses encore. Et quand vous leur dites qu'ils doivent respecter les tarifs au compteur, d'aller dans la direction que veut le client, d'avoir de la monnaie, de veiller à la propreté du véhicule, de ne pas s'arrêter pour prendre d'autres passagers quand ils en ont un à bord, ils ricanent, en vous prenant pour un extraterrestre : tu penses que tu es à Paris ou à New York ? S. L.