La femme qui voulait se pendre à un arbre s'est enfin rendu compte des ravages de la... ... déforestation en Dézédie ! J'ai sous les yeux leur mise au point. Elle est rédigée dans les trois langues, en arabe, en français et en tamazight. Donc, dans la forme, elle est recevable. Dans le fond aussi, je pense. Car, sans violence, sans haine, sans même une pointe de colère, elle vient juste mettre les points sur les I. Elle se veut aussi et surtout une contribution à l'assainissement du débat en Principauté de Dézédie. Visiblement, à lire son contenu, on comprend que le malentendu dure depuis un certain temps. Un temps certain, même ! Et puis, ce qui me frappe, moi, c'est cette brutale mise à jour qu'a opérée de manière fort salutaire ce texte dans le package de mes certitudes. Nous avons pris l'habitude de considérer comme définitivement acquis un certain nombre de choses, de lieux communs, de situations, voire juste de formules que nous manions de manière quasi-automatique, nous disant au fond de nous-mêmes qu'il n'y a pas franchement besoin d'en vérifier la véracité, l'effectivité ou la réalité, puisque, de toutes les façons, nous y avons recours depuis la nuit des temps. Pourtant, non ! Et la missive posée là, sur mon bureau, en est le cinglant démenti. Elle est signée de la Fédération Nationale des Mammalia, Ordre des Perissodactyla, famille des équidés. En clair, j'ai sous les yeux une lettre des ânes, plus précisément de leur organisation officielle. Et dans cette lettre, ils s'insurgent contre le fait que nous nous... entêtions à avoir recours à cette formule «Eddeb rakeb mouleh», l'âne chevauche son maître. Les ânes, dans un style pesé, et non empesé, tiennent à préciser que malgré toutes les injustices dont ils souffrent depuis des lustres et des ampoules aux sabots dans notre Principauté, ils considèrent, en leur âme et patiente conscience, avoir le droit minimal de choisir eux-mêmes leur... monture. Ils qualifient d'intolérable, voire d'atteinte grave à ce qui leur reste de dignité qu'ont voulu ainsi, à travers cette formule lapidaire, leur imposer de monter des Dézédiens. Ce que je comprends parfaitement, au demeurant. Même lorsque la situation d'un pays est dramatique, chaotique, on peut, malgré tout, encore revendiquer ce droit minimal de choisir sa monture, fût-on un âne ! Je fume du thé et je reste éveillé dans mon enclos, le cauchemar continue. H. L.