De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari Alger a déjà dit non. Tunis dans la même ligne mais son non est plutôt timide, Nouakchott ne peut accepter sans l'aval des autres Africains du Nord et Tripoli n'est pas en mesure de répondre vu l'état de délabrement de la Libye. Rabat attend et espère, moyennant un oui chaleureux, que l'Union européenne l'aide à boucler en sa faveur le dossier de Sahara occidental. Non et oui à quoi ? Récit. L'Union européenne incapable de régler la question dite migratoire recourt, comme toujours, aux solutions qui assurent son confort — momentané — abaissant un tant soit peu la pression et permettant de souffler en chargeant la mule des autres. Ici la mule c'est l'Afrique du Nord et les autres sont, bien sûr, Algérie, Maroc, Tunisie, Libye, Mauritanie, puis viendront le Mali, le Niger, le Sénégal et ainsi de suite. Le sommet des chefs d'Etat et de gouvernement européens de la semaine prochaine planchera, toute honte bue et toutes affaires cessantes, sur un brumeux et dangereux concept «plates-formes régionales de gestion des réfugiés et des migrants». D'un mot comme de dix mille, cent mille ou un million, il s'agit de persuader — euphorisme pour ne pas déclarer contraindre — la rive dite arabe de la Méditerranée, l'Afrique du Nord, en définitive, de gérer pour le compte de l'Europe les flux migratoires. Moyennant quelques sous distribués en euros aux dirigeants de ces pays, le tout enveloppé sous le vocable d'aide ou de soutien à ces pays, si proches et si différents, si acceptables et sortables lorsqu'ils disent oui au néo-colonialisme — c'en est un — vendu comme alternative à la crise migratoire. L'Algérie n'accepte pas, c'est à son honneur, la Tunisie aurait refusé aussi, de même que la Mauritanie. La Libye, ne l'évoquons pas. Vu l'état avancé de destruction dans lequel Sarkozy au nom de l'Otan l'a laissée, en n'oubliant pas au passage de faire les poches à Gueddafi. La justice française enquête, il est vrai, sur l'affaire, mais sous l'angle d'escroquerie, détournements de fonds, de canardage, bien mal acquis, mais pas sur l'essentiel. L'essentiel est «crimes de guerre et crimes contre l'humanité», commis là-bas, à Tripoli, Benghazi, Syrthe et leurs environs. Les décideurs de l'UE veulent donc, c'est proposé noir sur blanc et annoncé comme la trouvaille qui permettra aux 28 moins 1 (Brexit oblige) d'écarter le danger, comme on dit en football, en attendant des jours fastes qui ne viendront pas, du moins avec la configuration actuelle de l'ensemble, composite, aux intérêts divergents, aux valeurs fluctuantes et aux principes à la carte. Le Maroc peut accepter cette formule mais négocie en mettant le Sahara Occidental dans la balance. Rabat veut que Bruxelles le protège davantage dans sa colonisation de ce territoire et il sera une plate-forme de gestion des migrants en partance vers le Nord : France, Allemagne, Danemark, Suède, Italie, Espagne... L'Algérie est mise sous intense pression sur cette question, parce que sans son aval, le plan de Bruxelles ne fonctionnera pas, il sera enterré rapidement. Ouyahia, au-delà de ce que l'on peut penser concernant ses attitudes opportunistes en interne, le 5e mandat de Bouteflika, au premier chef, n'a pas tort de dire que l'Algérie est visée pour ces deux refus. Les plates-formes régionales de la honte, qui mettront l'Afrique du Nord dans une tragédie monstre qui peut l'emporter et le positionnement sans faille de l'Etat algérien profond aux côtés du peuple sahraoui... A l'issue du Sommet européen la semaine prochaine, l'Autriche prendra la présidence de l'UE. L'Autriche, rappelons-le, est dirigée par un gouvernement de coalition avec l'extrême-droite et c'est même ce courant xénophobe, raciste, anti-musulman qui dicte la conduite des affaires. L'Europe renonce avec ses heures les plus sombres. A. M.