Les vacances sont terminées, pourtant la gare centrale de Zurich affichera complet aujourd'hui en fin d'après-midi pour le concours du saut à la perche messieurs, discipline dont la complexité et l'attrait méritent que les spectateurs soient au plus près de la piste d'envol. Places et monuments célèbres, ou rive de lac Léman comme à Lausanne début juillet, tout lieu est prétexte à fêter hors stade la discipline la plus spectaculaire et périlleuse de l'athlétisme, en cela bon élève des directives de la Fédération internationale (IAAF). Dimanche, le Français Renaud Lavillenie, détenteur du record du monde (6,16 m en salle depuis 2014), a ainsi franchi 5,73 m malgré les bourrasques de vent dans le port Anvers (Belgique), où le sautoir avait été installé sur... pilotis. Si le pli est pris, Philippe d'Encausse, entraîneur de Lavillenie, rappelle qu'«il y a 35 ans, avec Philippe Collet, on sautait déjà sur (au bord du) le lac de Nantua (Ain)». «Et qu'en 1978, Maurice Houvion et Jean-Claude Perrin avaient organisé un concours sous la Tour Eiffel». Effervescence La période est propice à cette effervescence et à cette renaissance, avec la prise de pouvoir des jeunes générations. Il y a eu l'avènement du Brésilien Thiago Braz, 24 ans, champion olympique chez lui à Rio en 2017, et ces derniers mois l'ascension fulgurante du Suédois Armand Duplantis, pas encore 18 ans, qui a passé une barre à 6,05 m aux ‘'Europe'' de Berlin le 12 août, devançant le Russe Timur Morgunov (21 ans), qui a franchi pour sa part 6,00 m. A son meilleur de la saison (5,95 m), Lavillenie (31 ans), triple champion continental en plein air, a lui sauvé la médaille de bronze. Et comme l'Américain Sam Kendricks, champion du monde 2017 à Londres, qui aura 26 ans le 7 septembre, Vitaliy Petrov, autrefois mentor du tsar Serguei Bubka et actuel coach de Thiago Braz, prévoit un nouveau record du monde à l'horizon 2020-2021. «Le concours de Berlin a été incroyable. Duplantis est impressionnant, rapide, fort techniquement. Mais ils sont quatre ou cinq à pouvoir améliorer le record», souligne Petrov. Des yeux du spécialiste à ceux du néophyte. «C'est vraiment scotchant de les voir si près. Avec sa perche, le petit (Duplantis, ndlr) fait penser à Don Quichotte, et le Polonais costaud (Piotr Lisek), ça fait plutôt charge de cavalerie, d'autant qu'il pousse un grand cri avant de charger lance en avant», avait résumé, conquise, une spectatrice à Lausanne. Duplantis empêché Duplantis ne pourra pas honorer le rendez-vous zurichois, pas plus que le surlendemain les finales de la Ligue de diamant à Bruxelles, au stade du Roi-Baudouin. Le jeune homme, né et vivant aux Etats-Unis, également américain par son père Greg ancien perchiste, est tenu d'être présent pour la rentrée de son université en Louisiane. Au bout d'une saison tourmentée, Thiago Braz sera lui bien au départ à la gare centrale de Zurich. «Oui, ça va un peu mieux dans sa tête. La psychologie, c'est un facteur important de la perche», ajoute M. Petrov. Les trois secondes d'accélération ascensionnelle, tête en bas, ça remue forcément les méninges.