De combattants moudjahidine à hommes politiques intouchables : de nombreux anciens guerriers afghans peuvent se prévaloir d'une longue et influente carrière dans leur pays au mépris de l'âge et des accusations de barbarie. A l'instar du chef insurgé Jalaluddin Haqqani, dont les talibans ont annoncé mardi la mort, nombre de ces guerriers ayant fait leurs armes suite à l'invasion soviétique de 1979 demeurent incontournables dans ce pays déchiré depuis 40 ans par la guerre. Certains, comme Ahmad Shah Massoud, le chef des moudjahidine assassiné par Al-Qaïda en 2001, ont été hissés au rang de héros populaire. D'autres, ayant survécu aux décennies de chaos sanglant qui ont suivi le départ des Soviétiques, marquées par une guerre civile, l'arrivée des talibans au pouvoir puis l'invasion américaine de 2001, ont choisi la politique. Après la chute des talibans, plusieurs de ces personnalités controversées ont été intégrées au pouvoir dans l'espoir d'assurer une transition sans heurts de l'Afghanistan vers la démocratie. Mais le pouvoir et la richesse accumulés par ces commandants moudjahidine les ont rendus difficiles à contrôler pour le pouvoir central, certains maintenant des milices privées. Voici quatre de ces figures de l'Afghanistan : Gulbuddin Hekmatyar Gulbuddin Hekmatyar a été l'un des chefs de guerre les plus craints de la résistance anti-soviétique. Il a aveuglément bombardé Kaboul pendant la guerre civile (1992-1996) et assassiné des intellectuels. Pachtoune sunnite, il n'a cessé de nouer et dénouer les alliances, se retournant contre ses alliés du moment. Après le 11 septembre 2001, les Etats-Unis l'ont accusé d'avoir œuvré au côté d'Oussama Ben Laden, et Hekmatyar a appelé à la «Guerre sainte» contre les troupes étrangères. Puis en 2004, il a pris parti pour l'opposition armée au président Hamid Karzaï. Considéré comme le deuxième groupe insurgé le plus important après les talibans, le Hezb-i-Islami qu'il a créé est resté largement inactif récemment. Un accord de paix lui a permis de rentrer au pays en mai 2017 après presque 20 ans d'exil. Depuis, il se pose en faiseur de paix et ne cesse d'appeler les talibans à déposer les armes. Il défend le processus électoral, «seule voie d'accès au pouvoir». Mohammad Mohaqiq Mohammad Mohaqiq, leader de la communauté Hazara d'Afghanistan, est depuis 2014 second adjoint du chef de l'exécutif, Abdullah Abdullah. Il a rejoint la politique en 2001 en tant que ministre dans le gouvernement de Hamid Karzaï. Pendant l'occupation soviétique il a été un commandant moudjahidine du parti Wahdat Islami (Parti de l'unité islamique), dont il a pris la tête en 1995. Mohammad Mohaqiq est le leader le plus puissant et le plus charismatique parmi les Hazaras, troisième groupe ethnique du pays. Il a sa propre milice armée stationnée en majeure partie dans le nord du pays. Candidat à l'élection présidentielle de 2004, il est arrivé en troisième position, puis a soutenu la réélection d'Hamid Karzaï en 2009. Depuis 2014, Mohammad Mohaqiq se montre vertement critique envers le président Ashraf Ghani et son gouvernement, l'accusant d'essayer d'évincer les dirigeants moudjahidines. Abdul Rab Rassoul Sayyaf Abdul Rab Rassoul Sayyaf a formé en 1980 l'Ittihad Islami (parti de l'unité islamique) et est considéré comme responsable de nombreux crimes lors de la guerre civile. Erudit religieux resté influent malgré sa retraite de la politique, il serait le «mentor» de Khalid Sheikh Mohammed, le principal complice des attaques du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. Elu député en 2007, il est l'un des principaux défenseurs des anciens moudjahidine, réclamant leur amnistie et l'adoption d'un projet de loi visant à leur éviter d'être poursuivis pour crimes de guerre. Candidat à l'élection présidentielle de 2014, il soutient aujourd'hui ardemment les forces de sécurité gouvernementales sous la présidence d'Ashraf Ghani, arguant que ceux qui les tuent sont des infidèles à l'Islam. Abdul Rashid Dostum Abdul Rashid Dostum, puissant dirigeant ouzbek, est réputé pour sa barbarie extrême et ses changements de loyauté. Alors qu'il a combattu aux côtés des Soviétiques contre les moudjahidine soutenus par les Etats-Unis dans les années 1980, il a aidé les forces américaines à renverser les talibans en 2001. Malgré un catalogue de crimes de guerre rattaché à son nom, notamment le massacre de centaines de prisonniers talibans en 2001 morts asphyxiés, le général aguerri est actuellement premier vice-président de l'Afghanistan. Parti en cure en Turquie après ces accusations de torture et de viol en 2017, il a été accueilli triomphalement à Kaboul à son retour un an après.