Fort caractère, Luis Enrique a été choisi pour raviver le feu de l'équipe d'Espagne après trois phases finales mitigées. Mais l'inflammable sélectionneur, honni d'une partie du pays, fait déjà des étincelles avant de débuter samedi contre l'Angleterre en Ligue des nations. Après la bonhomie moustachue de Vicente del Bosque (2008-2016), après la compétence sereine de Julen Lopetegui (2016-2018), la Roja se découvre avec Luis Enrique Martinez un nouveau style de sélectionneur, moins rassembleur et plus cassant. Ce choix est à l'image du nouveau président de la fédération (RFEF), le bouillant Luis Rubiales, qui n'avait pas hésité à limoger Lopetegui juste avant le Mondial-2018 cet été, précipitant l'élimination précoce en huitièmes d'une des équipes favorites. Pour lui succéder, Rubiales disait chercher «un leader incontestable» et un «fort caractère». Soit le profil de Luis Enrique (48 ans), capable de tenir tête à Francesco Totti ou à Lionel Messi. Ses premiers pas ont donné le ton. Ironique et tranchant en conférence de presse, défendant mordicus ses choix, refusant tout traitement de faveur envers le capitaine espagnol Sergio Ramos, avec lequel il n'a pas échangé avant de publier sa première liste. «Il est évident que j'ai du caractère, je ne vais pas le cacher, mais je crois que c'est un bon caractère», a-t-il ironisé. Selon la presse, ses premières décisions vont dans le sens d'une reprise en main: interdiction des téléphones pendant les repas, annulation des traditionnels quartiers libres en soirée pendant les rassemblements... «Il demande beaucoup d'intensité à l'entraînement, beaucoup de concentration. Il m'a semblé être une personne sincère, qui brûle de gagner», a commenté mardi l'avant-centre Alvaro Morata. Déjà des polémiques Comme attendu, la première liste de Luis Enrique a réservé des surprises après les retraites internationales de plusieurs piliers (Iniesta, Silva, Piqué). Mais parmi la dizaine de mondialistes non convoqués, les absences de Koke et surtout Jordi Alba ont fait jaser. Et même si Lucho a assuré n'avoir pris aucune décision en raison d'inimitiés personnelles, la presse a aussitôt rappelé les frictions passées entre Alba et l'ancien technicien du Barça. «On sait qu'ils ont eu des problèmes ensemble par le passé, mais le joueur a toujours eu un bon rendement en sélection», a pointé dans un éditorial Alfredo Relaño, directeur du quotidien sportif madrilène As. Le latéral gauche aux 66 sélections a répliqué sur le terrain dimanche contre Huesca (8-2) avec un but et une passe décisive, avant de faire part de son incompréhension : «Je ne sais pas trop pourquoi je n'ai pas été convoqué», a-t-il lâché. «C'est une décision du sélectionneur, posez-lui la question.» Pour le reste, les journaux sportifs ont relevé que Luis Enrique avait appelé 6 joueurs du Real et seulement 2 du Barça... Ce qui n'atténuera sans doute pas la détestation des supporters madrilènes à l'égard de l'Asturien, ancien joueur merengue passé à l'ennemi blaugrana en 1996. Relancer la dynamique En trois saisons sur le banc catalan, Luis Enrique avait réussi à imposer un jeu plus direct, glanant neuf trophées dont la Ligue des champions 2015. Peut-il faire de même avec la Roja, dont l'emblématique jeu de passes est devenu stérile ces dernières années ? «Notre style va rester le même en terme de possession du ballon (...) mais il y a toujours des nuances», a-t-il fait valoir, disant vouloir s'éloigner de l'ombre écrasante de l'Espagne victorieuse du triplé Euro-Mondial-Euro entre 2008 et 2012. Son équipe devrait évoluer en 4-3-3, avec Isco bombardé maître à jouer pour succéder à Andrés Iniesta. «A partir de ce football que nous savons si bien pratiquer, il faut trouver des points à améliorer pour essayer de percer les défenses regroupées», a résumé Isco jeudi. Et l'Angleterre, demi-finaliste du Mondial-2018, puis la Croatie, finalistes, seront deux tests grandeur nature pour le nouveau sélectionneur. «C'est un beau défi», a dit Luis Enrique. «Nous devons retrouver le chemin du succès, voir où nous en sommes et la faim qui nous anime.