Il m'est arrivé d'entendre l'ami Djamel Allam raconter comment il est venu à la chanson en kabyle. Pour gagner sa vie, quand il était jeune, il chantait à la Voûte, à Moretti, des chansons de Ferré et de Moustaki. Un jour, le duo infernal Kateb Yacine-M'hamed Issiakhem déboule dans la taverne. Ils écoutent ce jeune chanteur algérien laborieux reprendre les succès de vedettes françaises de la chanson à texte. Ça les laisse dubitatifs. C'est Issiakhem qui s'y colle : «Petit con, pourquoi tu chantes en français. N'importe quel Français le fait mieux que toi. Chante dans ta langue maternelle, si tu ne le fais pas, toi, personne ne le fera à ta place». Les propos d'Issiakhem ont tarabusté Djamel Allam des nuits entières. Quelques jours plus tard, il revient avec Tella. Sa carrière de chanteur kabyle moderne est lancée. Elle connaîtra sa flamboyance. Djamel Allam, qui vient de la musique andalouse apprise à Béjaïa, a été le premier artiste à «moderniser» la chanson kabyle en y insufflant le sens de la mélodie, incomparable chez lui, et en en complexifiant la composition, réduite jusque-là à quelques frustes accords. Avant de la chanter lui-même, Idir propose à Djamel Allam de mettre «A Vava Inouva» à son répertoire. Djamel raconte : «Ils sont venus, Benmohamed et lui, me trouver à La Voûte pour me proposer de l'interpréter. Mais ce n'était pas mon genre.» Puis, il laisse tout tomber pour se consacrer à la chanson. Il nous donnera des petites merveilles de mélodie qui nous bercent depuis les années 1970. Les plus grands artistes algériens, de Kamel Hamadi à Idir, en passant par Khaled, Mami, Safy Boutella, rendent hommage à son apport à la musique algérienne. Artiste de gauche, il fréquenta, dans la partie de sa vie artistique qui s'est déroulée en France, les noms les plus prestigieux, de Jacques Higelin à Léo Ferré. Djamel Allam, c'était surtout un boute-en-train qui aimait rire et raconter des histoires. C'est une grande perte pour la musique algérienne. Repose en paix, Djamel ! Condoléances aux tiens ! Arezki Metref