L'émission Live de la radio Chaîne II a invité, mercredi, le chanteur Djamal Allam. L'initiative constitue un hommage à l'artiste qui s'impose aux côtés de Ferhat Imazighen Imoula, d'Idir, de Meksa, des groupes Issoulas, Imaslyen et Igoudar entre autres, comme un des précurseurs de la chanson moderne kabyle et algérienne. C'était aux débuts des années 1970, « époque où il était difficile d'être berbère », se souvient l'élève de Sadek Abdjaoui. Invité en la circonstance, la chanteuse Chrifa qui a interprété des achouiq, Boualem Rabia, un des fondateurs du groupe Yougourthen, l'artiste peintre Larbi Arezki, l'essayiste et écrivain Rachid Mokhtari, le directeur du Centre national de recherches préhistorique, anthropologiques et historiques (CNRPAH), Slimane Hachi et Arezki Tahar, animateur de l'espace Noun. Dans son intervention, en résumé, Rachid Mokhtari relève que Djamel Allam a contribué au « renouvellement de l'esthétique de la chanson kabyle ». Slimane Hachi, de son côté, indique que l'artiste a introduit « des sonorités africaines dans la chanson kabyle. Ce qui est nouveau. Il a aussi chanté l'individu. Il s'agit d'une autre nouveauté, car les chanteurs de sa génération se sont investis dans la chanson engagée ». En effet, à l'époque, la chanson kabyle avait besoin d'un nouveau souffle en matière de thématique et de composition musicale. Ferhat et Idir, pour ne citer que ceux-là, se sont consacrés à la chanson à textes liée à la cause berbère dans son triptyque identitaire, linguistique et culturel. Djamal Allam a, en parallèle, abordé la musique comme langage pour lui donner une dimension universelle. C'est ce qu'il a rappelé durant cette émission, où il a interprété une dizaine de ses chansons accompagné de l'orchestre de Béjaïa Tilania. Comme il a parlé en partie de son parcours artistique et de la musique algérienne. « Je chantais en français. Et j'interprétais des chansons de nombreux artistes tels Léo Ferré et Georges Brassens. Kateb Yacine et M'hamed Issiakhem assistaient à mes spectacles. Un jour, ils m'ont demandé de chanter dans ma langue maternelle. De son côté Mouloud Mammeri m'a conseillé de garder mon accent de Béjaïa », relate Djamal Allam qui inaugure son parcours avec la chanson Uretsru (Ne pleure pas) : Ne pleure pas Ne pleure pas mère Ton fils reviendra Autres chansons interprétées, il est compté Djawhara, Vava Inouva, de Idir, Guetlato, Salimo. En hommage à Hsissen, il a repris une chanson de ce dernier, L'oiseau encagé : Oiseau encagé Mon cœur saigne En exil je mène une vie d'errance L'esprit vrillé par l'espoir du retour Dans une autre chanson Awid afoussim (Donne-moi ta main), il dit : Avant qu'ils ne cassent La canne du vieillard Avant qu'ils ne souillent l'amour Avant que la mer ne se déchaîne Donne-moi ta main Donne-moi ta main Pour partager notre peur. (...) Pour Djamel Allam, la musique signifie aussi ces mots, « C'est la musique qui suscite la curiosité quant à comprendre le texte. Je ne chante pas pour les tribus ou villages. Je chante pour toute l'humanité. D'où mon souci de donner à mes chansons une dimension universelle. Ainsi, j'y ai introduit des sonorités africaines. La musique américaine à l'exemple du jazz et du blues ont pour source la musique africaine, laquelle nous appartient », indique l'artiste. Pourquoi Djamal Allam ne se produit pas beaucoup en Algérie ? « C'est une question qu'il faut poser au ministère de la Culture. Quand il s'agit de chanteurs étrangers, l'argent est disponible. Mais pour les chanteurs algériens, il n'y a rien. Ainsi, pour chanter, il faut chercher des sponsors, ce qui est difficile. Leur apport est indispensable, car si je chante, le prix d'une place doit être accessible à tout le monde. Il ne doit pas dépasser 200 DA. Pour ce faire, il faut beaucoup de moyens. » Interrogé sur le phénomène des reprises qui gangrène la chanson algérienne, il relève qu'aujourd'hui « il n'y a pas de création. Les rares artistes qui font des efforts dans ce sens ne passent pas à la télévision. Celle-ci ouvre ses portes à des chanteurs qui ne font aucun effort pour créer. Ce n'est pas en reprenant Allô trisiti ou en interprétant Joséphine qu'on peut devenir créateur. C'est la même situation qu'on constate dans le théâtre, la peinture et le cinéma algériens. Pour les responsables de ce pays, il n'est pas dans leur intérêt que les gens soient éveillés et conscients ». Triste constat d'un artiste qui a fait connaître la musique de son pays dans le monde entier dans la sagesse altière d'un barde des temps modernes.