Entre Alger et Paris, le climat n'est pas au beau fixe. Et le livre de l'ex-ambassadeur et ex-patron de la DGSE Bernard Bajolet, Le soleil ne se lève plus à l'Est, n'est pas de nature à apaiser les rapports entre les deux pays. La question d'une visite d'Etat d'Emmanuel Macron avant la fin de l'année est posée. Une chose est sûre, le geste d'Emmanuel Macron reconnaissant l'implication de l'Etat français dans l'assassinat de Maurice Audin et destiné à décrisper les rapports entre les deux pays, risque d'être un coup d'épée dans l'eau. Cette tension n'est pas nouvelle, ça a été presque toujours le cas. En effet, si ce n'est pas une photo d'Abdelaziz Bouteflika mise en circulation sur les réseaux sociaux par l'ex-Premier ministre Emmanuel Valls, c'est une plaisanterie mal à propos de Hollande déclarant à Valls de retour d'Alger : «Alors on t'a libéré ?», ou encore une autre photo du chef de l'Etat en Une du Monde illustrant un article concernant l'ex-ministre Abdelwahab Bouchouareb et ses comptes offshores (Panama Papers),… qui ont provoqué la colère d'Alger. La sortie de ce livre, dont des extraits pas du tout sympathiques envers le système politique algérien ont été publiés par la presse et des sites d'information, n'a pas suscité de réaction officielle, hormis la réponse de Ould-Abbès assurant qu'Abdelaziz Bouteflika dirige le pays «comme un maestro» ! Mais cela ne saurait tarder, surtout après les propos tenus mardi par Bajolet, dont certains «en off» rapporte le Nouvel Obervateur, devant la presse diplomatique. Dès lors, au regard des fonctions exercées par ce dernier à un niveau élevé, il est à se demander si le livre en question exprime ou non un avis autorisé, et ce, bien que l'ambassadeur de France à Alger se soit empressé de déclarer que Bernard Bajolet s'exprimait «à titre personnel». Au-delà de ce qu'a publié la presse et les sites d'information, pour ma part, je retiendrai de ce livre deux choses concernant l'année 1992. A cette époque, l'ex-ambassadeur nous dit qu'il faisait partie de ceux qui estimaient, en droite ligne de ce que pensait F. Mitterrand, qu'il fallait laisser les islamistes de l'ex-FIS conquérir le pouvoir, parce qu'ils «évolueraient vers plus de modération. Comme ils se disaient libéraux dans le domaine économique, ils s'attacheraient, peut-être à favoriser l'essor du secteur privé en Algérie» ! Un positionnement qui concordait avec ce que préconisait alors Washington qui considérait qu'un régime islamiste en Algérie n'était pas contraire aux intérêts américains. Il écrit aussi avoir regretté que la France n'ait «pas donné sa chance à Mohamed Boudiaf ! Le problème est que l'ex-garde des Sceaux, François Mitterrand qui faisait partie en 1956 d'un gouvernement à l'origine de l'arraisonnement de l'avion de la Royal Air Maroc transportant Boudiaf et ses quatre autres compagnons, n'avait certainement pas envie de se retrouver face à l'ex-prisonnier d'Aulnay devenu chef d'Etat, et de discuter d'égal à égal avec lui. Pour un homme aussi suffisant et arrogant que l'était F. Mitterrand, ç'aurait été ressenti comme une humiliation. Il n'y avait sans doute pas d'autre explication à son refus de soutenir M. Boudiaf à cette époque. Cela étant, le livre de B. Bajolet n'aurait certainement pas fait un tel tabac dans les médias et les réseaux sociaux s'il avait été publié à un moment moins tendu entre Alger et Paris et de surcroît à quelques mois de l'élection présidentielle d'avril prochain, où en plus des différences d'appréciations sur la Libye, le Sahel, le Sahara Occidental et les migrants, s'est greffé ce retrait de policiers assurant la sécurité de l'ambassade d'Algérie à Paris qui a entraîné côté algérien l'application du principe de réciprocité. Emmanuel Macron se rendra certainement en visite d'Etat en Algérie à l'invitation d'Abdelaziz Bouteflika. Mais la vraie question est de savoir si cette visite aura lieu avant ou après l'élection présidentielle d'avril prochain. Sans doute après le scrutin présidentiel car dans l'agenda chargé du Président français figure l'organisation en juillet 2019 d'un sommet qualifié de majeur sur la Méditerranée, qui sera précédé par une tournée du chef d'Etat français dans les pays du Maghreb. Qui plus est, ce sommet méditerranéen va être précédé par les élections européennes en mai que d'aucuns considèrent comme un test majeur pour la présidence de Macron, en raison de la montée en puissance de l'extrême-droite en Europe. H. Z.