Le passé refait surface. Les autorités algériennes et françaises ont décidé de régler du mieux qu'elles peuvent les zones d'ombre et les questions sensibles liées à leur histoire commune. Les démarches entamées se déroulent cependant dans une conjoncture marquée par un refroidissement des relations entre les deux pays. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - La partie française est de toute évidence pressée. Les évènements qui se succèdent depuis un moment traduisent à l'évidence le sentiment de hâte qu'éprouve Emmanuel Macron à avancer dans les dossiers de l'histoire restés en suspens. Il y a eu d'abord une reconnaissance de l'implication du système colonial dans la torture durant la guerre de Libération, celle-ci étant passée par un pardon public à la veuve de Maurice Audin mort sous la torture des paras à Alger, puis très vite, presqu'en parallèle, une révision à la hausse de la contribution des harkis au colonialisme. Légion d'honneur, distinctions spéciales, hommages, et reconnaissance de la France ont été attribués avec largesse à ces derniers. Avant même que la semaine ayant enregistré ces faits ne s'écoule, la secrétaire d'Etat auprès du ministère français des Armées chargée des anciens combattants annonçait son intention de se rendre en Algérie au début de l'année 2019 pour ouvrir le dossier avec la partie algérienne. Celle-ci avançait alors le chiffre de «1 500 civils et 500 militaires français jamais retrouvés». «Je voudrais que les choses avancent», déclarait- elle alors. A Paris, l'évocation de ces dossiers brûlants fait l'actualité. Journalistes, historiens et hommes politiques s'interrogent sur les capacités de Macron à aller plus loin que ne l'ont été les présidents précédents. Alger, elle, se veut prudente. Entre les deux Etats, la manière d'aborder ces dossiers diffèrent vraisemblablement. A l'empressement du Président français s'oppose une attitude plus mesurée, réfléchie et surtout faite d'observations, sans doute d'attentes destinées à en savoir plus sur les réelles intentions… La réaction à la reconnaissance de la responsabilité française dans la mort de Maurice Audin a été laissée au soin exclusif du ministre des Moudjahidine qui a naturellement salué une telle avancée. A la même période, un communiqué de la présidence de la République algérienne a annoncé qu'un entretien téléphonique avait eu lieu entre le Président Bouteflika et son homologue français sans signaler à aucun moment que le sujet qui faisait la Une de part et d'autre avait été évoqué. Pas de réaction officielle non plus au vœu de la responsable française du dossier des anciens combattants. Tayeb Zitouni a, par contre, profité d'une rencontre commémorant la mort du chahid Hadj Hamdi pour faire connaître le sentiment qui anime Alger. «Le recensement effectué par le ministère des Moudjahidine en collaboration avec des structures spécialisées a permis de dresser une liste de 2 100 martyrs. Nous ne savons pas où ils ont été enterrés. Ils sont considérés comme étant des disparus », a annoncé ce dernier. Il tient en même temps à réaffirmer tout l'intérêt que porte le pays à ce dossier «le même que celui accordé à la récupération des crânes des martyrs». Le ton a été donné et la réponse fournie avant même que les sollicitations officielles ne s'effectuent. L'ouverture de dossiers aussi sensibles nécessite une réciprocité et une sincérité absolue, commentent des sources bien au fait de la situation. Une certitude : l'ouverture de ces pages d'histoire douloureuse intervient à un moment assez particulier et notamment marqué par des tensions réelles entre les deux pays. Un moment sans doute mal choisi pour aplanir les problèmes liés au passé. A. C.