La reconnaissance de la responsabilité du système français colonial dans la mort de Maurice Audin par Emmanuel Macron a été considérée comme une importante avancée à Alger où se multiplient depuis jeudi déclarations d'officiels et d'historiens. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Son annonce officielle a donc fait l'événement : Maurice Audin, militant anti-colonialiste et acteur actif de la guerre d'indépendance algérienne a été officiellement reconnu victime du régime tortionnaire français de cette époque. Cette reconnaissance est le fait du jeune Président français qui, avant même d'être élu, laissait entrevoir des sentiments clairs sur la question de la colonisation qu'il qualifiait alors de crime contre l'humanité. Macron avait promis de briser le tabou sur le sujet. Jeudi, il a effectué un pas considérable dans ce sens en allant demander pardon à la veuve de Maurice Audin et lui remettant une déclaration dans laquelle il reconnaît que la France avait mis en place un système entraînant des actes de torture durant la guerre d'Algérie. Puis, il prononce cette phrase qui fera date : «Il importe que cette histoire soit connue, qu'elle soit regardée avec courage et lucidité. Il y va de l'apaisement et de la sérénité de ceux qu'elle a meurtris tant en Algérie qu'en France.» Le geste est hautement symbolique, historique. Alors militant du PCA (Parti communiste algérien) Maurice Audin avait été arrêté en 1957 après un attentat contre le casino de la Corniche, QG de la torture qui s'exerçait contre les Algériens. Il n'a plus été revu depuis. La dernière personne l'ayant aperçu est Henry Alleg qui témoigne l'avoir croisé «visage blême» dans un centre de torture. A son épouse, les militaires français déclarent que Maurice s'est évadé. La famille ignore à ce jour l'endroit où le martyr a été enterré. Une place d'Alger porte aujourd'hui son nom. Jeudi, le président français a également promis l'ouverture des archives sur le sujet des disparus, civils et militaires algériens et français. Une nouvelle page de l'histoire commence à s'écrire. A Alger, le ministre des anciens Moudjahidine a réagi promptement considérant que la décision de Macron est «un pas positif à saluer». «Nul ne peux nier les crimes commis par les Français pendant la période coloniale sauf ceux qui ignorent l'Histoire», a-t-il ajouté. Jeudi, Tayeb Zitouni était encore le seul officiel à s'être exprimé sur le sujet. Plusieurs historiens ont exprimé leur satisfaction qualifiant le geste d'avancée historique. La même satisfaction a été enregistrée en France où hommes politiques et historiens ont globalement qualifié cette reconnaissance de pas historique mettant fin à «des années de mensonge». Une partie de la classe politique a, quant à elle, estimé que la décision de Macron était en fait la continuité d'un processus entamé de longue date. Jean Marie Le Pen a pour sa part dénoncé ce qu'il considérait comme un «acte de division (...) pensant flatter les communistes». Les réactions sont sans nul doute appelées à se multiplier dans les jours à venir. Il faut savoir enfin que l'événement est survenu dans un contexte où une probable prochaine visite de Macron à Alger est envisagée. Si rien n'a filtré officiellement, la présidence de la République algérienne a par contre publié jeudi un communiqué annonçant qu'un entretien téléphonique avait eu lieu entre les deux chefs d'Etats. De l'événement du jour, rien n'a filtré. Le texte de la présidence s'est contenté d'évoquer des discussions portant sur la situation au Mali et en Libye. A. C.