Malgré des avancées légales, des initiatives prises par divers professionnels, et certains mécanismes mis en place, la violence, dont les femmes constituent la majorité des victimes, continue de faire des morts. Nedjma Merabet - Alger (Le Soir) - C'est ce qui ressort de la journée d'étude organisée, hier au niveau de l'INSP (Institut national de santé publique), par le réseau Wassila/Avife, ayant vu plusieurs professionnels intervenir (médecins légistes, cadres du ministère de la santé, avocats ou encore militantes féministes). C'est depuis les drames traversés par l'Algérie dans les années 90 que les pouvoirs publics ont entamé la mise en place de mécanismes de soutien psychologique et autre encadrement des victimes. C'est donc, lentement que le statut de reconnaissance de la victime évolue. Effectivement, l'on apprend depuis que les pouvoirs publics ont pris conscience, ou du moins la décision d'investir ce terrain, il y eut plusieurs initiatives. Cependant, elles sont jugées insuffisantes par les spécialistes. Des centres d'accueil, d'aide et d'accompagnement des victimes, sont ouverts dans de nombreuses wilayas, l'enseignement supérieur inclut à présent l'enseignement de la victimologie, mais cela a été fait «à la va-vite», selon les termes du Pr Chekali, psychiatre et directeur de la santé au ministère concerné. Il y a bien des mécanismes de prise en charge des victimes, et bien sûr une législation stricte vis-à-vis des divers crimes de violences (coups et blessures, viols etc.), mais les procédures sont si longues et problématiques, notamment dans les cas de violences conjugales, qu'elles dissuadent la plupart des victimes de s'en remettre à la justice. L'exemple de la femme battue obligée de retourner au domicile conjugal après avoir porté plainte est probant. Il y a aussi les nombreuses victimes de violences qui finissent à la morgue, du fait de ces lenteurs administratives/juridiques qui nourrissent la dissuasion. Phénomène auquel il faut ajouter les mœurs familiales, qui constituent souvent un terreau fertile à la dissuasion. A ce propos, le Pr Kelthoum Messahli, médecin légiste, rappelle le consensus qu'il a eu entre médecins légistes de n'établir les certificats médicaux que sous réquisition, afin de protéger les victimes. L'exemple d'un père de famille qui a frappé sa fille en pleine rue après la lecture du certificat médical établissant la perte de virginité de celle-ci, a motivé cette décision non prévue par les textes. Elle insiste également sur la nécessité d'améliorer conjointement les cadres légal, social et médical pour obtenir de véritables résultats dans le domaine. Peu importe le nombre de centres que l'on va mettre sur pied, de lignes d'accueil téléphonique, de soutien juridique et psychologique, le mal est si profond qu'il exige des mesures drastiques. Les intervenants insistent tous sur la nécessité de la formation des policiers, gendarmes, pompiers etc. à la prise en charge des victimes. Un phénomène très inquiétant sur lequel est revenu le Pr Messahli : 75% des victimes d'agressions sexuelles sont des enfants ou des adolescents. Même si elle considère la loi comme positive, elle constate cependant sa faible efficacité. En effet, la victimologie est une discipline qui doit encore se battre, et ce, à l'échelle internationale, pour être reconnue comme science humaine à part entière et distincte de la criminologie. Ce combat permettra également de faire progresser le statut de victime en Algérie, encore trop faible pour pouvoir changer la situation. N. M.