L'ouverture de la Coupe du monde de foot � laquelle nous participons, et qui se d�roule, tenez-vous bien, pour la premi�re fois sur le continent africain, galvanise d'ores et d�j� un sentiment de fiert� patriotique. �C�est nous que nous sommes les meilleurs !� si tu connais les hommes! Ce que nous n'avons pas pu faire avec nos mains, eh bien, nous allons le gagner avec nos pieds ! �a nous fait une belle jambe ? Pas le moment de jouer les trouble-f�te. Tout le pays, la diaspora comprise, retient son souffle, l'�il riv� sur le barom�tre de l'�quipe nationale. Ils vont aller jusqu'o� ? Ils vont sacrifier quoi pour faire flotter le drapeau dialna en haut des m�ts de partout ? Ils vont r�aliser quels exploits ? J'aime bien Rabah Sa�dane, son air de penseur r�fl�chi, l'affleurement d'une sorte d'int�riorit� soufie. Rien que pour �a, je souhaiterais que l'EN aille le plus loin possible. Je pr�sume que, si la cueillette est bonne, on lui refilera le minist�re de l'Economie. Eh oui, on ne change pas une �quipe qui gagne ! Je r�alise que je cause avec trop de l�g�ret� d'un sujet d'une extr�me gravit�. Mon voisin de table me fait observer que c'est comme qui dirait l'honneur national qui est en jeu sur les pelouses sud-africaines ! Par cons�quent, je devrais peser mes mots. J'essaye, cher ami, j'essaye ! A propos de l'Afrique du Sud! Les Bafana Bafana sont partis avec un mauvais karma. On dit qu' Invictus, �a ne se rejoue pas. Pas trois fois. Deux oui, mais pas trois, contrairement au mirage que fait miroiter le dicton ! Cette force morale que Nelson Mandela avait su insuffler aux Springboks, l'�quipe nationale sud-africaine de rugby, au point de les faire gagner la Coupe du monde de 1995 puis de 2007, n'est pas forc�ment pr�sente pour le foot. Les pires pr�visions footballistiques ennuagent l'�volution des favoris de Soweto en Coupe du monde. Il se peut qu'ils ne passent pas le premier tour, ce qui ferait d'eux les d�tenteurs de ce record de premier pays organisateur � s'arr�ter si pr�s du d�part. Mais d'autres consid�rations extra-footballistiques font d�j� de l'Afrique du Sud le vainqueur de cette rencontre. La croissance �conomique de 0,36 % pr�vue � l'issue de l'�v�nement n'est pas la moindre des victoires pour un pays qui se d�bat dans d'inou�es difficult�s �conomiques et sociales. Petit tableau synoptique : la moiti� de la population noire vit sous le seuil de pauvret�, le quart des actifs est au ch�mage, 18 % des adultes sont contamin�s par le virus du sida. La victoire r�side dans le renforcement du sentiment national, difficile � maintenir avec l'h�ritage de l'apartheid, ainsi que, comme le dira Desmond Tutu avec une enthousiaste faconde, la veille de l'ouverture de l'�v�nement, dans la fiert� pour l'Afrique, berceau de l'humanit� de recevoir l'humanit�. Revenons � nos �Verts� ! Apr�s tout, en foot, comme pour tout le reste, � chacun sa ch�chia. Avec l'exploit de Sa�dane, le sentiment de fiert� d'�tre alg�rien revient sans garantie de durer. Il tient � la compatibilit� d'une escouade de crampons avec le brin d'herbe de la pelouse, ajout�e � la connexion de la m�t�o sur le mental, la teneur d'un entrelacs de primes et, enfin, au hasard qui est, comme le disait Einstein, le nom de Dieu quand il est incognito. Il est l� pour le moment, il faut le prendre. C�est avec la conscience du retour du sentiment prodigue que je suis entr� dans mon caf� attitr�. Le nom, l�adresse ? Non ! On me l�a d�j� faite, celle-l� ! Je me sentais tr�s patriote en en m�appuyant sur le zinc, histoire d�agripper le pr�cieux sentiment de peur qu�il ne fasse la belle. Oui, il est comme �a, le patriotisme : d�s qu�il peut, il fait le mur et quand il revient, ce n�est m�me pas la t�te basse et les oreilles pendantes. On le conna�t, le fuyard, ya kho ! On se conna�t nous-m�mes, r�alisant collectivement l�injonction de Socrate. Quouaaa ? Connais-toi-m�me, yakhi slala ! On se conna�t, donc ! Quand �a caracole, on fait dans l�exc�s. Et aussit�t que �a flanche, on fait la m�me chose ! Mais dans l�autre sens, voil� ! Et si �a ne te pla�t pas, c�est la m�me chose ! Fiert� patriotique, donc ! Il y avait dans ce caf� deux types � deux demi-vieux, comme on dit de ceux qui ont v�cu la Coupe du monde de 1982 � qui discutaient intimement � la table d�� c�t�, c�est-�-dire si fort que leur intimit� est devenue ipso facto celle de tout le monde. Heureusement qu�elle ne pr�tait pas � confusion, leur intimit�. Ils parlaient justement de la fiert� d��tre alg�rien lorsqu�on a onze vaillants gladiateurs sous les cam�ras du monde entier, pour en remontrer au monde, justement, des fois que le monde y saurait pas que �c�est nous que nous sommes les champions�. Le premier des deux types (premier en quoi, je te le demande ?), lunettes rondes, bleu de chauffe, barbe de Hamas, qui n�est ni de l�ex- Fis ni des barbudos cubains, �tait en train de vendre � son comparse, tout le contraire, lui, costume-cravate fa�on City londonienne, la fiert� d��tre alg�rien. Le plus sympa, c�est que c�est dans le foot qu�il puise ses arguments de vente. Et uniquement dans le foot ! A un moment, je me suis dit, il va quand m�me parler de� je ne sais pas moi, des hommes qui font la fiert� de l�Alg�rie pour lui avoir donn� leur vie� Mais non, il reste coinc� dans les dix-huit m�tres. Du coup, si l�Alg�rie est le pays d�Amirouche, c�est celui du joueur du RCK des ann�es 1960. On a les gloires qu�on peut et la fiert� d��tre alg�rien, c�est comme les ann�es bissextiles sauf qu�on ne sait pas � quel moment �a va bien pouvoir se manifester !