Le débat autour d'une possibilité du report de l'élection présidentielle s'est installé lentement mais sûrement sur la scène nationale. Ses partisans l'expriment de manière claire en se basant sur un argumentaire souvent similaire. Jusqu'à l'heure, ces arguments n'ont provoqué aucune réaction des centres dits proches du pouvoir et habituellement prompts à «démonter» ou rectifier les démarches jugées inopportunes. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Tout au contraire, puisque ces mêmes cercles ont fini eux-mêmes par introduire une nuance de taille en modifiant leur discours initial, portant sur la candidature de Abdelaziz Bouteflika, et l'entraîner sur un tout autre terrain : celui de la «continuité». Au milieu de l'été dernier, l'ancien secrétaire général du FLN avait d'ailleurs tenu à bien marquer et faire remarquer le fait en demandant aux journalistes de bien faire la différence entre «se porter candidat» et «continuer son action à la tête de l'Etat». «Il ne faut pas parler de candidature, a-t-il alors ajouté, mais de poursuite de mission. Il faut saisir la nuance.» La nouvelle terminologie utilisée interpelle, mais survient sans doute trop tôt pour susciter l'ouverture d'un débat sur le sujet. Ould-Abbès, qui semblait alors investi d'une mission bien précise, ne s'exprimait à l'évidence pas au seul nom du parti. Le fait se vérifie sans tarder. Le RND et le TAJ réorientent leurs discours politiques sur la présidentielle en les axant également sur le concept de «continuité nécessaire à l'édification de l'Etat». Dans une action commune, quinze petits partis politiques se réunissent quelques semaines plus tard au siège de l'ANR (Alliance nationale républicaine) pour exprimer leur soutien au président de la République et signent un texte centré sur «la continuité dans le cadre de la stabilité et des réformes». La «nuance» se transforme ainsi en constante, élément fondamental de tous les propos politiques axés sur l'échéance de 2019. Samedi encore, Seddik Chihab l'a marqué dans le cadre d'un nouvel appel au cinquième mandat lancé à partir de la wilaya d'El-Tarf. Le porte-parole du RND a ainsi tenu à souligner que «le conclave avait pour objet de demander instamment au président de la République de continuer son œuvre d'édification du pays». De Relizane, le ministre chargé des Relations avec le Parlement a tenu un discours identique en demandant «au Président de poursuivre sa mission». Ce même jour, le leader du MSP (Mouvement de la société pour la paix) invitait, de son côté, les dirigeants de la classe politique algérienne à débattre de la situation actuelle «porteuse de dangers» et de prendre «si nécessaire» la décision de lancer un appel commun au report des élections. L'idée n'est pas nouvelle. Quelques jours auparavant, le responsable du FNA (Front national algérien) avait formulé la même proposition mais en exprimant directement le souhait de voir le mandat présidentiel en cours se prolonger en attendant de voir la situation se clarifier. La sortie publique de Abderrezak Makri a été perçue comme étant une adhésion à cette proposition et un élargissement des cercles en faveur du prolongement du mandat en cours. Les partisans de cette option se basent sur le «flou» actuel. Une situation qui freine, apparemment, la décision du MPA. Amara Benyounès, qui s'exprimait publiquement ce week-end, n'a toujours pas fait connaître la position de son parti sur la question. «Le président de la République a toujours su sur qui compter dans les moments difficiles», a-t-il, cependant, déclaré. Est-ce une manière de dire que son silence actuel sur le sujet est dû à la sensibilité de la période ? Quelle qu'en soit la raison, sa position alimente les interrogations mais aussi les doutes qui entourent l'évènement à venir. L'idée d'une possible prolongation du mandat présidentiel actuel aura-t-elle un effet boule de neige ? Sous quelle forme juridique, légale s'appuierait une telle démarche ? Dans les milieux où le débat est en cours, certains se penchent déjà sur les textes en vigueur pour y voir plus clair… Louisa Hanoune s'explique Contactée pour en savoir plus sur ses récentes déclarations au sujet du cinquième mandat, la secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT) a tenu à préciser que ses déclarations ont été mal interprétées. Interrogée par les journalistes au sujet du «consensus autour d'un candidat pour la présidentielle, j'ai répondu que la question du cinquième mandat n'était pas à l'ordre du jour. J'ai ensuite précisé que cela ne pouvait se faire et que c'était là un avis très personnel et pas celui du parti qui ne s'est pas penché sur la question. L'absence d'éléments ne nous permet pas aujourd'hui d'entrer dans un débat portant sur des sujets contraires à mon éthique et à celle de tout le parti d'ailleurs». A. C.