Au lendemain même de la convocation officielle du corps électoral pour l'élection présidentielle du 18 avril, un ancien militaire, le général-major à la retraite, Ali Ghediri annonce lui aussi, tout aussi officiellement, sa candidature. Une candidature qui, il faut bien le dire, met le pouvoir dans l'embarras. Et pour cause, l'homme en question a fait l'objet, des jours durant, d'un déluge de violentes mises en garde de la part de son institution d'origine. Kamel Amarni - Alger (Le Soir) - Pour avoir «osé» interpeller le chef de l'état-major de l'armée et vice-ministre de la Défense nationale, le général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah, auquel il demandait, via une interview accordée début décembre dernier au quotidien El Watan, «d'assumer une responsabilité historique», en prévision de la présidentielle, Ali Ghediri s'attirera les foudres de ce dernier. D'abord à travers un communiqué du ministère de la Défense, ensuite à travers l'organe central de l'armée, la revue El Djeïch et, enfin et surtout, à travers deux discours solennellement prononcés par Gaïd Salah en personne, Ali Ghediri est désigné comme l'ennemi numéro un à abattre ! En des termes crus, le MDN traite le futur candidat à la présidentielle «d'élément» manipulé par «des cercles occultes», et dont les ambitions, présidentielle donc, sont «démesurées». Ce n'est, là, qu'un simple résumé d'une longue série de qualificatifs dévalorisants dont a eu droit Ali Ghediri qui, en plus, se voit menacé de tomber sous le coup de la loi, celle de 2016 imposant aux anciens officiers de l'armée une stricte obligation de réserve. L'ancien général-major s'astreint au silence et s'interdira toute réaction publique aux violentes charges de Gaïd Salah et, jusqu'à hier samedi 19 janvier. Et quelle réaction ! «J'ai décidé de relever le défi en me portant candidat à l'élection présidentielle d'avril 2019.» Le général-major à la retraite surprend donc tout le monde en annonçant, le premier de manière officielle, sa déclaration de candidature. «Algériennes ! Algériens ! y écrira-t-il d'emblée, l'Algérie traverse une phase décisive de son histoire. Au désespoir que vit notre peuple, notamment sa jeunesse, s'ajoute la déliquescence de l'Etat et de ses institutions. Le constat est amer : Etat de non-droit, vieillissement de sa composante humaine, injustice sociale, rente érigée en système de gouvernance, népotisme et corruption gangrènent notre société (…) L'autoritarisme empêche l'émergence d'une réelle démocratie. Le clanisme et la prédation ont érigé le régime politique en oligarchie.» Bien sûr, ce passage est entièrement «dédié» au cercle présidentiel. «Face à cette situation qui menace l'existence et la cohésion nationale, la résignation n'est pas une fatalité en soi. Un sursaut salutaire est possible», ajoutera-t-il, en guise d'introduction à l'annonce de sa candidature. L'ancien militaire désormais candidat place sa candidature sous le thème de «la rupture sans reniement». Une rupture, assurera-t-il, « avec l'ordre établi». Et il expliquera encore : «La rupture est certainement un mot fort, qui fait peur à la majorité (…) avant de noter que ce qui doit, au contraire faire peur à cette même majorité du peuple, ce sont les maux générés par ce système (…)» Aussi, plaidera-t-il pour la construction «d'une deuxième République». Se proclamant de la famille nationaliste, «novembriste», le général-major rappellera, enfin, sa longue carrière de 42 ans au sein de l'ANP avant de prendre sa retraite, à sa demande, en 2015. K. A.