Après le communiqué virulent du ministère de la Défense nationale (MDN), publié le 30 décembre 2018 en guise de réponse à la tribune publiée par le général-major à la retraite Ali Ghediri, la revue El Djeïch, organe officiel de l'Armée nationale populaire (ANP), en rajoute une couche dans son édition de janvier 2019. Les propos ne sont pas moins durs à l'adresse de l'ancien officier supérieur de l'armée. L'édito d'El Djeïch, qui a d'abord rappelé les réalisations de l'institution militaire et de son commandement, revient à la charge dans un moment crucial, caractérisé par un contexte politique délétère, fait de crise et d'impasse à la veille d'un rendez-vous électoral décisif pour l'Algérie. «Toutes ces réalisations, à tous les niveaux, ne sont pas pour plaire à certains esprits aigris à la vision étroite, poussés par certains cercles occultes, qui se sont attribués des rôles dépassant leur niveau de compétence, au mépris de tout respect des principes d'humanisme et des valeurs morales», écrit l'organe central de l'armée. Ces derniers, selon lui, «s'autorisent à donner leur avis sur toutes les questions, comme celles relatives à la prochaine élection présidentielle, clamant qu'il faut donner la chance aux jeunes, appelant le vice-ministre de la Défense nationale, chef d'état-major de l'ANP à prendre ses responsabilités pour consolider les acquis démocratiques, en se prévalant d'un pseudo- pragmatisme afin de minimiser les acquis enregistrés sur le plan sécuritaire, sans oublier d'autres sujets et problématiques dont ils ne maîtrisent pas les principes les plus élémentaires». «Ces vains agissements et ces idées tendancieuses sont malheureusement véhiculés par les plumes d'anciens militaires à la retraite, nourrissant des ambitions et des visées personnelles, au détriment de l'ANP qui les a accueillis pendant des années, leur assurant tous les moyens, notamment sur le plan de la formation», écrit encore El Djeïch. Et d'assener : «Les cris des corbeaux ne sauraient atteindre l'aigle, ni même le perturber ou se confronter à lui.» Personne ne pouvait imaginer un instant que la dernière contribution du général-major à la retraite Ali Ghediri allait susciter une telle colère, traduite dans des termes d'une virulence inouïe du côté du ministère national de la Défense et de l'état-major de l'ANP. C'est comme si le communiqué du 30 décembre dernier ne suffisait pas à lui seul. Mais que signifie en réalité un rappel à l'ordre aussi martial ? Une mise en garde contre toute intention de se référer à l'arbitrage de l'institution militaire contre d'éventuelles tentatives qui enfreindraient les dispositions de la Constitution lors de la très cruciale élection présidentielle d'avril prochain ? Si le communiqué du MDN et l'éditorial de la revue El Djeïch, dont le titre («La caravane passe…») force les limites du propos qui doit être celui du discours officiel, ne le disent pas clairement, ils le suggèrent presque. L'organe central de l'armée, qui fait le bilan de l'action de l'institution militaire durant l'année écoulée, en soulignant que «l'Armée nationale populaire a continué à déployer des efforts soutenus, à tous les niveaux, pour la défense de la patrie et la préservation de la sécurité de son territoire et de son peuple contre toute menace éventuelle, ainsi que la préservation de sa souveraineté et de sa stabilité, en dépit de l'instabilité que connaît notre région, du fait de nombreux événements et chamboulements», laisse même penser que la situation actuelle du pays prête plutôt à satisfaction. Là où tout le monde voit crise, lui voit stabilité. C'est presque le discours archétype de ceux qui réclament la continuité du président en exercice, Abdelaziz Bouteflika. Il est vrai que la communication du MDN et de l'état-major se garde d'aborder le vif de la question de l'élection présidentielle d'avril 2019, mais elle ne se prononce pas également de manière claire, qui lèverait toute équivoque sur sa neutralité. Et le fait d'ériger un mur en béton devant ceux qui pourraient solliciter son arbitrage en cas de violation de la Constitution, voire en cas d'acte qui menacerait la stabilité politique du pays est déjà une manière de contribuer au statu quo qui visiblement fait l'objet d'une grande satisfaction.