Le général-major à la retraite, Ali Ghediri, a effectué, hier dimanche, sa première sortie publique, en tant que candidat à la présidentielle du 18 avril prochain à travers le forum hebdomadaire du quotidien Liberté, à l'hôtel Sofitel à Alger. Une sortie particulièrement attendue par les observateurs, pour découvrir ce prétendant pas comme les autres, pour ainsi dire : un militaire-candidat qui ne se présente pas au nom de l'institution ou du pouvoir, comme c'est la tradition en Algérie, bien au contraire. Kamel Amarni - Alger (Le Soir) - Officier supérieur en exercice jusqu'à fin 2015, l'homme n'a pas eu le temps, comme d'autres «camarades» avant lui, à l'image du général Rachid Benyelles, de s'adonner à des activités politiques pour s'aguerrir avant ces grands rendez-vous. A peine quelques interventions dans la presse et il n'en fallait pas plus pour s'attirer les foudres du chef de l'état-major de l'ANP, le général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah. A plusieurs reprises, le patron de l'état-major en fera sa cible privilégiée, en des termes extrêmement durs, et ce, avant même qu'il ne déclare officiellement sa candidature. Pour la première fois dans l'histoire des présidentielles pluralistes, l'armée se prononce, publiquement, contre un candidat. Ce qui donne lieu à une candidature de type inédit et ce qui explique, du reste, l'affluence record enregistrée par le forum du quotidien Liberté, hier. Une assistance où se mêlaient journalistes, anciens militaires, des représentants du monde de la société civile et une présence significative du corps diplomatique accrédité à Alger. L'homme affrontera les questions et les interrogations qui pleuvaient sur lui, avec une remarquable maîtrise. L'on découvre, en le général, un candidat sûr de lui-même, déterminé et même optimiste. «Si je me suis porté candidat, c'est pour gagner», ne cessait-il de répéter durant près de trois heures. Une détermination que rien ne semble en mesure de refroidir chez le général Ghediri. Y compris une candidature d'Abdelaziz Bouteflika. «Qu'il (Bouteflika) se présente ou pas, rien ne changera pour moi, que cela soit clair une bonne fois pour toutes.» N'ignorant pas la nature des difficultés qu'il aura à rencontrer en cours de route, il reconnaîtra que «la bataille sera certes dure et féroce et c'est pour cette raison que j'ai décidé de la mener». Il se dit d'autant plus déterminé que les pressions ont commencé à peser sur lui immédiatement après avoir pris sa retraite. «J'ai déjà eu à payer pour mes positions précédentes (notamment par rapport à l'incarcération du général Benhadid). Même ma famille, mes proches n'ont pas été épargnés par des pressions. N'empêche, je suis prêt à consentir au sacrifice suprême pour mes positions.» Malgré les mises en garde précédentes, l'homme réplique : «Ce système ne me fait pas peur.» Pas plus que la fraude électorale, d'ailleurs. «La fraude n'est pas une fatalité. Si la fraude existe, c'est parce que nous avons toujours été passifs. Nous avons toujours été absents. Et quand je dis nous, je parle de l'élite. C'est ce qui avait ouvert la voie à des opportunistes. Ils sont même arrivés à nous humilier en tant que citoyens. Ils utilisent nos voix et nous, nous applaudissons.» Puis, s'adressant au peuple, il ajoutera : «Nous n'avons plus le droit de nous taire sur ce phénomène qui a ravagé le pays. Si vous attendez du pouvoir à ce qu'il ne fraude plus, vous allez le mettre au chômage ! C'est tout ce qu'il sait faire.» Aux reproches persistants qui lui seront faits, de n'avoir rien fait ou dénoncé les pratiques du pouvoir qu'il dit vouloir combattre aujourd'hui, lorsqu'il était encore en exercice, Ali Ghediri aura cette réponse : «Justement, c'est parce que, quand j'étais encore sous les drapeaux, je devais me soumettre à l'obligation de réserve.» Une formule bien tournée, pour faire allusion à la loi de 2016, obligeant les militaires à la retraite à s'astreindre à une stricte obligation de réserves. Un militaire peut-il être l'initiateur d'un projet de constitution d'essence démocratique ? Ghediri répondra du tac au tac à cette autre question émanant de l'assistance : «Vous n'avez qu'à voir qui était à l'origine des deux révisions constitutionnelles qui avaient permis à l'Algérie d'accéder au multipartisme et au pluralisme médiatique, en 1989, puis à la limitation des mandats présidentiels, en 1996. Les deux fois, c'était un militaire.» En l'occurrence, Chadli Bendjedid et Liamine Zeroual. C'est dire que, visiblement, sans complexe aucun, ce candidat, très embarrassant pour le pouvoir, se lance dans la bataille de la présidentielle avec un projet que l'on attribue, généralement, à l'opposition. «La rupture», «la IIe République», rompre avec l'autoritarisme et le système rentier et clientéliste, celui des groupes d'intérêt et des oligarques», on se croirait, en effet, avoir affaire à un leader de l'opposition démocrate… K. A.