«Est-ce que le Président Bouteflika va présenter sa candidature ? Vous en doutez encore ?». C'est ainsi que le secrétaire général du Rassemblement national démocratique et Premier ministre, Ahmed Ouyahia, répondait à une question d'un journaliste, lors d'une conférence de presse qu'il animait, hier samedi au siège du parti à Ben Aknoun à Alger. Il ne pouvait être plus clair, en effet ! Kamel Amarni - Alger (Le Soir) - Le RND ayant tranché sa position officielle sur cette question de la présidentielle en juin 2018, à savoir le soutien de Abdelaziz Bouteflika, position réitérée à l'occasion de la réunion de son conseil national, ce week-end à Alger, Ouyahia passera même à l'offensive. «A bientôt un mois de la date limite de dépôt des candidatures, si vous faites un peu de mathématiques, et comme nous n'avons pas prévu de plan B comme vous le dites, vous allez déduire que le Président Bouteflika va présenter sa candidature» ! Il répondait, ici, à une question similaire d'un confrère lui demandant si le pouvoir n'avait pas prévu «un plan B», au cas ou Bouteflika n'allait pas se présenter la présidentielle du 18 avril. «Ma conviction, répétera encore le Premier ministre, est que le Président va se présenter et il va adresser un message aux Algériens». Exprimée par la voix du chef de l'exécutif en personne, le pouvoir annonce donc, ici, officiellement la candidature de Abdelaziz Bouteflika pour la présidentielle du 18 avril et ne reste plus que la formalisation, qui se fera via un message que le concerné adressera à la nation dans les prochains jours. «Rien ne l'empêche de se porter candidat», insistera Ouyahia. Y compris la maladie. «Le Président a eu son accident de santé en avril 2013. Cela n'a pas empêché le peuple de voter pour lui en avril 2014». Le Premier ministre, visiblement énervé par les questions relatives à l'état de santé de Bouteflika, répondra sèchement à une consoeur : «La maladie ? C'est vous qui en êtes malade ! Et cela depuis 2004 !». Pour Ouyahia, certains «ont la hantise de cette candidature de Bouteflika car ils savent que s'il se présente, il va passer (…) En 2004, ils avaient pour slogan ‘‘tout sauf Bouteflika'', puis, en 2014, ils réclamaient l'application de l'article 88 de la Constitution pour l'empêcher de se présenter». Pour autant, le Premier ministre reconnaîtra : «Oui, le Président Bouteflika ne va pas faire la campagne électorale. On ne va pas se mentir. Son état de santé n'est plus le même qu'en 1999 (…) Mais contrairement à 1999, il n'a pas besoin de mener une campagne physique. Les Algériens le connaissent. Ils connaissent son projet et savent ce qu'il a réalisé.» La campagne électorale pour le compte du candidat Bouteflika se fera, bien sûr, exactement de la même manière qu'en 2014. Une campagne que mènera un directoire, composé quasiment du même personnel et que dirigera le même Abdelmalek Sellal. «Un consensus national est impératif» Autre aspect de la feuille de route du pouvoir que reconnaîtra implicitement Ahmed Ouyahia, la fameuse conférence pour le consensus et la révision de la Constitution, décalées pour après la présidentielle. «Attendons que notre candidat gagne les élections et on verra après», dira-t-il à ce propos. «Ce qu' a dit Abderrazak Makri à propos de sa rencontre avec Saïd Bouteflika l'engage lui (…) Nous concernant, nous avons clairement dit à nos amis du MSP, lors de notre rencontre ici-même au siège du RND en août 2018, que l'Algérie ne vit pas une crise politique. Toutefois, nous en convenons qu'il nous faut un consensus national large et un dialogue dans tous les domaines». Ouyahia insistera, en particulier, sur les questions économiques et ne manquera pas de rappeler que, par exemple, «si nous n'avions pas opté pour l'endettement interne, en septembre 2017, nous n'aurions pas eu de quoi payer les salaires au mois de novembre de la même année». En ce début 2019, les réserves de change en sont à moins de 80 milliards de dollars, annoncera le Premier ministre. «Cela devrait d'ailleurs inciter les candidats à la présidentielle à bien méditer sur la situation et les difficultés économiques du pays auxquelles ils devraient proposer des solutions et non plus se suffire de simples slogans lors de la campagne». Et à propos des candidatures fantaisistes qui défilent depuis quelques jours au niveau du Palais du gouvernement, Ouyahia s'est montré franchement scandalisé : «Maintenant, il apparaît clairement que des mesures nouvelles doivent être introduites dans la loi pour ne plus avoir à vivre cette mascarade. C'est le Premier ministre qui parle». Avant d'ajouter : « Certes, il y a des candidats sérieux, mais la grande majorité ne viennent que pour rire ou faire les pîtres. Mais à qui est la faute ? Elle incombe essentiellement aux chaînes de télévisions qui leur tendent leurs micros.» «Nous maîtrisons la rue et nous combattrons l'anarchie» En cette période de campagne électorale, propice aux promesses en tout genre, mais aussi à la propension de l'Etat à céder à toutes les revendications, le gouvernement fera-t-il montre de générosité avec les syndicats et les diverses réclamations sociales ? «Si vous croyez que, parce que nous sommes en période électorale, ce sera la foire au populisme, vous vous trompez lourdement», répondra le Premier ministre. Idem, concernant les partisans du boycott ou d'opposants au cinquième mandat. «Ceux qui boycottent les élections sont libres de le faire. Mais nous ne permettrons à personne d'utiliser la rue. Ici, je parle au nom de l'Etat. Nous ne permettrons jamais l'anarchie», prévient le patron de l'exécutif qui rappellera qu'en 2014, «nous avons fait comprendre à ces gens-là qu'ils peuvent demander des salles éventuellement, mais pas de manifestations de rue. La rue, nous la maîtrisons». K. A.