Le dispositif de sécurité était toujours maintenu hier dans les grands axes de la capitale et ceux menant notamment vers les points sensibles. Dans cette ambiance tendue, les citoyens ont vaqué à leurs occupations de la manière la plus ordinaire qui soit. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Alger, 25 février. Il est un peu plus de sept heures du matin. Ecoliers et travailleurs prennent la route. Comme tous ces derniers jours, la circulation routière est plus fluide que les semaines précédentes. Sur la rocade sud, des Nissan de la police se dirigent vers le 1er-Mai. Les gyrophares des autres véhicules stationnés sur les ponts sont visibles de loin. Non loin de la place où des centaines de citoyens se sont rassemblés trois jours auparavant, des camions anti-émeutes sont déjà sur les lieux. Des CRS munis de boucliers et de matraques sont à leur bord. Les alentours de l'hôpital Mustapha sont aussi sous surveillance. La ville se réveille doucement. Aucun appel à manifester n'a été lancé pour cette journée. La veille, un groupe d'avocats du barreau d'Alger a toutefois confirmé sa volonté de sortir protester «pour la dignité et l'application des règlements». Tout autour de Abane-Ramdane, un dispositif a naturellement été mis en place. Dans cette ambiance, les robes noires préfèrent visiblement limiter leur action à la lecture d'une déclaration à la presse (lire article). Des slogans contre le cinquième mandat sont également criés. A 11h30, le tribunal reprend son activité normalement. Le dispositif n'est cependant pas levé. Il s'étend jusqu'à la place Audin où un appel au rassemblement lancé par Mouwatana s'était transformé en véritable manifestation la veille. De manière inattendue, la foule de curieux massés sur les trottoirs s'était jointe au mouvement portant le nombre de manifestants à plus d'un millier. Lundi, les policiers qui avaient opéré la veille arpentaient les rues. L'ambiance est inhabituelle, mais les citoyens mènent leur journée tranquillement. Tous les magasins sont ouverts. Les vendeurs tentent de liquider leurs derniers articles soldés. Les pizzérias et fast-foods accueillent les écoliers sortant des établissements. Plusieurs d'entre eux ont fait preuve d'une grande solidarité avec les manifestants ce dimanche. Les dames souffrant des effets des gaz lacrymogènes lancés ont été accueillies à l'intérieur, de l'eau ou du vinaigre offerts à ceux qui en demandaient. Le Tout Audin commente les évènements qui se sont produits. «C'est génial, il n'y a pas eu de casse, comme vendredi, c'est une grande évolution», commente un restaurateur. «Vous avez vu, il y a eu beaucoup de personnes âgées, elles défilaient avec les jeunes, ils se sont fait embarquer, personne n'a eu peur», poursuit un autre en entrecoupant ses propos de critiques virulentes envers le régime. Comme beaucoup, nos interlocuteurs reconnaissent également que les forces de l'ordre n'ont pas versé dans une répression à proprement dire. Des arrestations ont été opérées, des gaz lacrymogènes pulvérisés, mais aucun recours à la force physique, aucune personne tabassée. La stratégie mise en place se limitait vraisemblablement à disperser la foule. «Il faut dire que c'était une manifestation pacifique, renchérit un pâtissier, les personnes qui criaient non au cinquième mandat ont même donné du vinaigre aux CRS et aux agents en civil qui souffraient tout autant que nous.» A Didouche-Mourad, des jeunes s'amusent à repasser les images filmées hier. En riant, ils mettent des noms sur les visages de voisins ou d'amis ayant pris part à l'évènement. «Regarde, tu es tout rouge, lance l'un d'eux à l'adresse de son copain, le 1er mars, il ne faudra pas oublier le vinaigre.» En réponse, le concerné énumère le nombre de matchs reportés pour raison de sécurité publique. Ce lundi matin, les curieux ralentissent le pas aux abords de l'APN où un important dispositif a été également déployé. Le premier ministre y est attendu pour présenter sa déclaration de politique générale. Dans son allocution, Ahmed Ouyahia relève le caractère pacifique des marches qui ont eu lieu mais évoque l'existence de risques de dérapages. Vendredi, 22 février, des milliers de citoyens s'étaient massés en ce lieu pour crier leur ras-le-bol et leur hostilité au processus électoral en cours. Neuf camions de police sont visibles. Des Nissan et d'autres camions encore sont stationnés près du Trésor public. La circulation automobile est très lente. Les véhicules doivent s'arrêter de longs moments durant. Les automobilistes en profitent pour tenter d'en savoir plus sur la situation. «Ça bouge encore aujourd'hui ? Il y a peut-être une nouvelle marche et nous on n'en sait rien. C'est peut-être comme hier là-bas mieux vaut tenter de rebrousser chemin.» Les tentatives s'avèrent vaines. Il est bientôt 13h. Les CRS sont alignés en rangs serrés sur la place du 1er-Mai. Beaucoup sont appuyés sur leur bouclier posé à terre. Les matraques pendent aux ceintures. Les visages sont souriants. Le dispositif semble davantage été mis en place pour la dissuasion. Le parcours menant vers la présidence de la République où les manifestants ont tenté de se rendre vendredi est sous haute surveillance. Les forces de l'ordre sont en alerte. Les étudiants ont prévu de se joindre à la protesta aujourd'hui. Et tous sont dans l'attente de l'évolution de ces évènements dont l'ampleur a surpris, à l'évidence, tout le monde. A. C.