Ils ne sont pas plus hauts que 3 pommes et prennent part aux manifestations citoyennes, chaque vendredi, accompagnés de leurs parents. Les enfants font désormais partie des marches populaires. Ils scandent des slogans hostiles au pouvoir. Drapés de l'emblème national, ils arborent pancartes et écriteaux. Nos enfants agissent-ils par simple mimétisme ou ont-ils pris conscience que l'Algérie est à un grand virage de son histoire ? Témoignages. Farida, 39 ans «Avec mon mari et mes deux enfants de 6 et 7 ans, nous prenons part à toutes les marches du vendredi. Mes enfants se sont soudain rallier à la cause des adultes. Ils connaissent les chansons scandées lors des marches, par cœur, et les fredonnent à toute heure de la journée à la maison. Ils ont insisté afin qu'on leur achète drapeaux et fanions aux couleurs nationales bien qu'ils soient trop jeunes pour comprendre les véritables enjeux de pareilles manifestations. Ils aiment l'ambiance et ont bien compris que le Président doit partir et que tout le monde est contre lui, mais il ne faut pas attendre d'eux des analyses politiques. Ce ne sont que des enfants. En revanche, ces manifestations vont être gravées pour toujours dans leur tête. Plus tard, ils pourront dire qu'ils ont manifesté avec leurs parents pour la naissance d'une deuxième République démocratique et libre.» Farah, 42 ans «Il y a un phénomène d'entraînement qui touche tous les enfants depuis la première marche du 22 février, y compris les miens. A la maison, ils ne parlent que politique. Ils connaissent les noms des politiciens et savent lesquels sont honnis par le peuple. A cela, aucun mystère. En tant que parents, nous évoquons continuellement ce sujet. Dans toutes les conversations entre amis ou en famille, la situation du pays revient sur la table. Les enfants sont exposés à toutes ces discussions. I ls enregistrent tout dans leurs petites têtes puis reproduisent les gestes et les paroles des adultes. Dans les marches, il y a des parents qui défilent avec leurs enfants. On a même vu un papa à Constantine portant ses jumeaux, à peine sortis de la clinque, dans les bras. Tout ceci pour délivrer un message clair : les enfants d'aujourd'hui sont les adultes de demain. Il faut leur préparer un avenir plein d'espoir.» Mourad, 45 ans «C'est très drôle d'entendre les gamins et gamines parler politique. A cet âge, on est généralement absorbé par les jeux. Dans l'une des ruelles d'Alger, je suis tombé sur une bande d'enfants. Le plus jeune devait avoir à peine 3 ans. Le plus vieux pas plus de 7 ans. Ces bambins manifestaient à leur manière, arborant des drapeaux et hurlant des messages contre le pouvoir. Cette scène, pleine d'innocence, m'a beaucoup fait rire. En voulant m'amuser un peu plus, j'ai demandé à ces manifestants en culottes courtes pourquoi ils faisaient tant de bruits. Leur réponse a été on ne peut plus claire. «Pour que Bouteflika dégage !» Voilà que nos enfants se mettent à faire de la politique maintenant. C'est tellement drôle ! Sur les réseaux sociaux, de belles photos circulent. On y voit des bébés en poussette, la tête ceinte de l'emblème national, d'autres chérubins trottent auprès des adultes drapés des couleurs nationales. Des photos adorables que nous n'avons jamais vues dans aucune manifestation au monde. Cela nous révèle que les parents communiquent désormais avec leurs enfants, même sur des sujets aussi sensibles que la politique.» Djamila, 48 ans «A force d'entendre les grands parler des événements qui secouent notre pays actuellement et participer aux gigantesques marches, nos enfants ont commencé à s'intéresser à la politique. Mon plus jeune fils, âgé de 10 ans, est complètement devenu accro aux marches du vendredi. Il peinturlure son visage de vert, rouge et blanc et nous suit dans les défilés. Il écrit des slogans sur des pancartes et les brandit fièrement lors des marches. Avec ses camarades, le sujet le plus évoqué en ce moment, c'est le prolongement du 4e mandat. Cela me fait hurler de rire lorsqu'il vient me parler de l'article 102 de la Constitution ! Voilà que mon fils de 10 ans est devenu un expert en politique !» Les enfants sont comme des éponges. Ils absorbent tout ce qui se dit et se fait autour d'eux. En ce moment, nous assistons au soulèvement de tout un peuple contre le système. Les enfants ne sont pas exclus de ces grandes marches pacifiques. Encadrés par leurs parents, ils brandissent le poing et donnent de la voix pour un avenir plus sûr, plus juste, plus démocratique.