Les scénarios de sortie de crise restent encore difficiles à établir dans le pays. Pour l'heure, la situation semble, au contraire, complètement bloquée. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - En ce 22 février 2019, la rue algérienne surprend les plus fins des analystes en bravant l'interdiction de sortir manifester qui lui est imposée depuis de très longues années. Des centaines de milliers de personnes investissent Alger, mais aussi les principales grandes villes du pays pour demander à Abdelaziz Bouteflika de renoncer au cinquième mandat qu'il tente de briguer et réclamer la fin du système ayant mené le pays à la crise dans laquelle il se trouve. De nombreuses capitales étrangères soutiennent le mouvement populaire et son droit à décider de son avenir. Plus que jamais mobilisés, les Algériens décident de sortir ainsi tous les vendredis qui suivront jusqu'à satisfaction de leurs revendications. Rudement secoués, les tenants du pouvoir n'ont d'autre choix que de se rétracter annonçant l'annulation de l'option du cinquième mandat. Ils tentent aussi une carte : un maintien au pouvoir le temps d'une transition devant déboucher sur l'organisation d'une nouvelle élection présidentielle elle-même basée sur des textes issus d'une nouvelle Constitution. Bouteflika, que l'on dit très affaibli depuis son retour de Genève, insiste pour la tenue d'une conférence nationale. Pour ce faire, il met en place une équipe constituée de deux diplomates et de l'ancien ministre de l'Intérieur. Devenu trop gênant, Ouyahia est écarté d'un revers de la main. Mais la rue en colère réclame davantage. Au lieu d'avancer, la mission de Bedoui, Brahimi et Lamamra semble relever de l'impossible. Leur départ est exigé, les consultations qu'ils tentent d'entreprendre pour la formation d'un gouvernement de compétence tournent court. Sur les ondes de la Chaîne 3, Lakhdar Brahimi parle déjà de blocage. Il quitte Alger et ne se fait plus entendre depuis. Le vice-Premier ministre se tourne lui aussi vers ses tâches de MAE sans rebondir sur les propositions de Bouteflika. Bedoui réactive, quant à lui, l'équipe de ministres qu'Ouyahia a laissée après son départ. Le statu quo est total. L'Alliance présidentielle constituée pour dresser un mur autour du programme présidentiel vole en éclats. Décrétée illégitime, l'équipe dirigeante du FLN fait face à une fronde historique. Le RND est à «couteaux tirés». De nombreux cadres menacent de destituer Ouyahia par la force s'il refuse de se retirer. Les soutiens inconditionnels du Président tombent en lambeaux. Coincés, ils tentent de se rallier au mouvement populaire qui les rejette cependant. Des volte-face spectaculaires sont observées. Le porte-parole du RND compare le régime mis en place par Bouteflika à un «cancer», Ouyahia soutient que la solution passe par la démission du Président. Puis tout bascule après la «proposition» de Gaïd Salah. L'article 102 est soutenu par tous les inconditionnels de Bouteflika. Méfiants, les Algériens poursuivent leur demande de destitution de toutes les figures du régime. La nouvelle donne introduite par le chef d'état-major induit une nouvelle situation où le blocage se fait davantage ressentir. En dépit de la pression, le Président et son équipe refusent de céder. Le frère conseiller de Bouteflika est présenté comme étant le verrou principal dans cette nouvelle crise. Des «informations» sciemment distillées font savoir qu'il constituait l'élément essentiel de la réunion suspecte dénoncée par Gaïd Salah dans son dernier communiqué. Le fait que cette rencontre, à laquelle aurait également pris part (selon les mêmes sources) l'ancien patron du DRS, ait bénéficié du soutien de l'Etat français n'est pas anodin. En filigrane, on laisse ainsi entendre que sa résistance à toutes les pressions en cours est à mettre sur le compte des sérieux soutiens dont il bénéficie. Il s'appuie aussi sur l'imperturbable Tayeb Belaïz. C'est à ce dernier qu'incombe le rôle de réunir le Conseil constitutionnel censé se pencher sur la demande introduite par le chef d'état-major. Sa fidélité sans faille à Abdelaziz Bouteflika en fait un second verrou. Comme le premier, il résiste à l'heure où le chef d'état-major fait montre d'une certaine impatience mettant en avant sa volonté d'agir pour que le processus de décantation se déroule dans le strict respect de la Constitution. Jusqu'où ira le clan présidentiel dans sa résistance ? Mais quel champ de manœuvre reste-t-il aussi à Gaïd Salah pour faire valoir sa demande ? A. C.