Incroyable, mais vrai ! Ouyahia qui, il y a à peine quelques mois, déclarait que la candidature de Bouteflika pour un cinquième mandat était une nécessité, fait un virage à 180°. L'appel du général de corps d'Armée, chef d'état-major de l'ANP, Ahmed Gaïd Salah, à l'application de l'article 102 de la Constitution portant sur l'empêchement du président de la République à exercer ses fonctions, et donc à sa destitution, a davantage accentué la fissure dans le camp de ce dernier. Le chef de l'Etat est de plus en plus isolé, d'abord sous la pression de la rue, ensuite à cause du lâchage de ses soutiens. Hier, le RND d'Ahmed Ouyahia et l'UGTA d'Abdelmadjid Sidi-Saïd et des membres du Comité central du FLN ont clairement apporté leur soutien à la proposition de Gaïd-Salah, consommant la rupture définitive avec le cercle présidentiel. Sans aucun détour, le Rassemblement national démocratique (RND), saluant la position de l'armée, a appelé Abdelaziz Bouteflika à démissionner de son poste de président. Le parti «recommande la démission du président de la République en application de l'alinéa 4 de l'article 102 de la Constitution pour faciliter l'entrée du pays dans le processus de transition contenu dans la Constitution», lit-on dans un communiqué. Le RND de l'ex-Premier ministre, Ahmed Ouyahia, suggère en outre de «nommer en urgence» un gouvernement pour, dit-il, «éviter tout vide ou spéculation autour de l'appareil gouvernemental en cette période sensible». Le lâchage du Président par le RND va même plus loin, car le parti se place désormais dans l'après-Bouteflika. Il rend d'ailleurs «hommage» à ce dernier «pour tout ce qu'il a donné à l'Algérie, que ce soit durant la période de la lutte pour l'indépendance ou bien durant le processus d'édification, particulièrement lorsqu'il a eu à gérer les destinées du pays». Incroyable, mais vrai ! Ouyahia qui, il y a à peine quelques mois, déclarait que la candidature de Bouteflika pour un cinquième mandat était une nécessité, fait un virage à 180°. Après avoir soutenu le mouvement populaire et appelé le pouvoir à satisfaire les revendications du peuple, voilà qu'il soutien carrément la destitution de celui qu'il a soutenu pendant 20 ans. Du côté du FLN, en l'absence d'une réaction et d'un positionnement clairs de l'instance dirigeante, c'est un communiqué des membres du comité central issus du 10e congrès qui vient soutenir l'appel de Gaïd Salah à la destitution du chef de l'Etat. Ces membres estiment, après avoir entendu les propos du chef d'état-major, que «nous ne pouvons que revenir à la légitimité constitutionnelle par l'application de l'article 102 de la Constitution». «En notre qualité de membres du Comité central du FLN en lien avec notre Armée nationale populaire qui veille sur notre sécurité et celle de notre pays, nous déclarons notre soutien à la proposition faite par le général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense nationale, chef d'état-major de l'ANP, pour l'application de l'article 102 de la Constitution comme préalable légitime et constitutionnel permettant de sécuriser notre pays contre tous les dangers qui le guettent», écrivent les rédacteurs du document. Autre soutien indéfectible de Bouteflika, la Centrale syndicale UGTA. Le syndicat-maison d'Abdelmadjid Sidi-Saïd a consommé sa rupture avec le chef de l'Etat, estimant que «le changement est devenu nécessaire». Dans un communiqué, «l'UGTA salue et prend acte» de l'appel d'Ahmed Gaïd Salah portant application de l'article 102 de la Constitution. Cette proposition constitue, selon elle, «le cadre légal à même de surmonter la crise politique à laquelle est confronté aujourd'hui notre pays». Ainsi, le repositionnement du RND, d'une partie des membres du CC du FLN et de l'UGTA, prouvent un redéploiement important au sommet de l'Etat. La sortie du chef d'état-major de l'ANP signe la fin de l'ère Bouteflika. Ses soutiens qui lui tournent le dos prouvent que les rapports de force ont changé. Affaibli par la maladie et sous la pression de la rue, Abdelaziz Bouteflika n'a que le cercle familiale à ses côtés. Mais la rue va-t-elle accepter ce repositionnement qui n'a d'autre objectif que la survie des symboles du régime ? Les premières réactions et les slogans préparés pour ce vendredi 29 mars disent le contraire. Le FLN, le RND et l'UGTA ne peuvent se sauver rien qu'en tournant le dos à Bouteflika. «Vous partez tous !», ne cesse d'insister la rue.