Le Parlement, réuni en ses deux Chambres, à savoir l'Assemblée populaire nationale et le Conseil de la Nation, hier mardi, au Palais des Nations à Club-des-Pins à Alger, prend officiellement acte de la vacance de la présidence de la République, clôturant, ainsi, le processus enclenché par la présentation de Abdelaziz Bouteflika de sa démission auprès du Conseil constitutionnel. Une session spéciale qui met donc fin, de manière définitive, à l'ère Bouteflika. Kamel Amarni - Alger (Le Soir) - Signe des temps : pour la première fois depuis vingt ans, aucun portrait officiel de Bouteflika n'est visible au Palais des Nations, à l'occasion de cette activité officielle solennelle. Ceci côté symbole. Au plan politique, cette session, boycottée par les partis de l'opposition, comme le RCD, le FFS, le PR et le MSP, aura enregistré la présence physique de 455 parlementaires, 15 autres par procuration assurant largement à 470 le quorum nécessaire. Pour la tenue de cette session introduisant, de fait, le président du Conseil de la Nation, Abdelkader Bensalah, comme chef de l'Etat par intérim et pour une période de 90 jours. Une simple formalité, au plan constitutionnel, certes, mais combien lourde, du point de vue politique. Devant la pression d'une révolution populaire inédite, d'abord contre Bouteflika, avant d'englober l'ensemble du système, le pouvoir, désormais incarné par l'armée et son premier responsable, le général de corps d'armée, chef de l'état-major, Ahmed Gaïd Salah, avait effectivement accéléré le départ de Bouteflika. C'était un véritable « coup d'Etat pacifique » que Gaïd Salah avait publiquement mené et assumé, au nom de l'institution, le 2 avril dernier. Un coup de force qui répondait à la principale revendication populaire de départ, le retrait de Bouteflika. Toutefois, et comme l'atteste la tenue même de la session du Parlement et la désignation de fait de Abdelkader Bensalah à la tête de l'Etat, il est clair que le pouvoir s'en tient à l'application stricte de sa propre feuille de route, celle rappelée, avec insistance depuis le 18 mars dernier, depuis, par Gaïd Salah, consistant en «l'activation de l'article 102 de la Constitution». Il précisait dès le départ, en effet, qu'aucune solution à la crise actuelle «ne saurait s'inscrire en dehors du cadre exclusif de la Constitution». Affichant ouvertement son opposition à toute transition en dehors de ce que prévoit la Constitution, dans son article 102, l'armée, toujours par la voix de son patron, réitérera « son point de vue», sur cette même question, le 2 avril. «Nous confirmons que toute décision prise en dehors du cadre constitutionnel est considérée comme nulle et non avenue.» Gaïd Salah faisait allusion aux décisions évoquées dans le communiqué de la présidence, du 1er avril et portant sur « des décisions importantes concernant la phase de transition». Plus encore. Dans cette même intervention du 2 avril, Gaïd Salah affirmait que «nous estimons qu'il y a plus lieu de perdre davantage de temps et qu'il faut appliquer immédiatement la solution constitutionnelle proposée, à savoir la mise en application des articles 7, 8 et 102 et entamer le processus garantissant la gestion des affaires de l'Etat dans le cadre de la légitimité constitutionnelle ». D'aucuns ont interprété l'ajout, ce jour-là, des articles 7 et 8 de la Constitution dans la proposition de l'armée, comme une disponibilité de l'institution à «inspirer», accompagner ou carrément imposer une transition politique concertée ou consensuelle qui viendrait en substitution au cheminement prévu par l'article 102. Un scénario désormais démenti sur le terrain par l'intronisation de Abdelkader Bensalah à la tête de l'Etat à travers l'application « stricte» de l'article 102 et qui n'aurait jamais pu avoir lieu sans l'accord préalable de l'armée. D'ailleurs, et selon une source sûre, l'homme est entrée immédiatement, c'est-à-dire dans la journée d'hier mardi, en fonction, comme chef de l'Etat par intérim. Malgré l'énorme opposition populaire, l'armée tranche en faveur d'une transition telle que prévue par la Constitution, avec donc Abdelkader Bensalah à la tête de l'Etat et Bédoui à la tête du gouvernement et, surtout, pour la tenue d'élection présidentielle dans les délais, c'est-à-dire dans trois mois, au plus tard. En tournée à l'ouest du pays, pour une visite de travail de quatre jours en 2ème Région militaire, le chef de l'état-major, Ahmed Gaïd Salah, devrait s'exprimer, aujourd'hui mercredi, sur la situation politique générale du pays, avons-nous appris de source crédible. Une intervention qui sera très attendue en ce qu'elle clarifiera davantage les positions de l'armée en cette phase si cruciale dans la vie du pays elle (l'armée) qui, depuis le 2 avril dernier et le départ définitif de Abdelaziz Bouteflika, est projetée au-devant de la scène. Le face-à-face qui dure depuis le 22 février est désormais entre la rue et l'état-major de l'ANP, en effet. K. A.