Personne ne sait comment «ils» ont fait pour se convaincre tout seuls que les Algériens sont, avant et après tout, un «tube digestif». Pourtant, on ne peut même pas les «soupçonner» d'avoir trouvé ça eux-mêmes. La formule n'est pas un exemple d'inspiration mais dans leur bouche, elle prend les allures d'éclair de génie. Un peuple entier qui ne pense qu'à s'empiffrer, c'est d'abord un mensonge grossier, vulgaire dans l'expression et méprisant à rougir de honte. A leur décharge, si tant est que nous consentions à leur en trouver une et nous faire violence, ce sont les Algériens les moins intéressés qui ont dû inventer les mots de leur dévalorisation. Eh, oui, pendant de longues années, le doute, le désarroi et la résignation ont fini par imposer à notre peuple une si piètre idée de lui-même qu'il a commencé à livrer tout seul les armes de ses malheurs. Bien sûr, elles n'ont pas toujours suffi à prolonger ses déboires mais elles ont contribué dans une large mesure à en éloigner la fin, parfois au point de ne plus l'envisager. L'histoire du « tube digestif » est un double mensonge. Aucun peuple, dans aucune contrée et à aucun moment de l'Histoire, n'a contenu son existence dans la satisfaction de ses besoins alimentaires. Sinon l'Homme ne serait plus… l'Homme. C'est ensuite un mensonge parce que le postulat voudrait dire qu'au moins, les Algériens sont bien nourris, ce qui est loin d'être une évidence. Des millions de citoyens attendent les jours de fête pour toucher à la viande. Ils sont encore plus nombreux à ne pas connaître le goût du poisson au pays des « 1 200 kilomètres de côtes », la pomme de terre est encore problématique pour les plus faibles, d'immenses pans du Grand Sud ne connaissent que les pâtes, les oranges sont un luxe pour beaucoup, des écoliers « passent leur pain » avec un soda partagé devant une épicerie et le lait est toujours un cauchemar pour les Algériens ordinaires. Alors, quand les gouvernants se redéploient comme chaque année pour nous promettre un Ramadhan sans problème de «disponibilités», sans que les prix ne flambent, c'est encore un… double mensonge. D'abord parce que ça fait longtemps que tout est… disponible à condition d'y mettre le prix. Ensuite, on ne voit pas comment ils vont intervenir sur les prix dans un marché… libre ! Ils n'ont jamais réussi quelque chose en la matière - même pas ça - mais ils reviennent chaque année. Cette année, ils vont certainement se surpasser, pour des raisons évidentes. Ils vont même donner des «marchés de proximité» aux «jeunes» sans emploi ou exerçant déjà dans l'illégalité. On sait ce qu'a donné l'Ansej en CDI, on va découvrir sa version CDD ! Mais ils se trompent encore, parce qu'ils se sont gourés dès le départ : les Algériens ne sont pas un tube digestif et, pour leur bonheur, ils le savent, maintenant. S. L.