Le Club-des-Pins pourrait prochainement être appelé à changer de statut. Des éléments qui se sont mis progressivement en place laissent, en effet, penser que le site est désormais appelé à retrouver sa vocation ancienne. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Le processus allant dans ce sens semble en tout cas s'être bel et bien mis en place. A commencer par la centaine de sommations adressées aux actuels occupants des villas et chalets, les invitant à vider les lieux sous quinzaine. Des sources bien informées indiquent ainsi qu'un décret serait même en préparation. Il prévoit de rattacher ce site au ministère du Tourisme et donc de le déclassifier puisque ce site garde à ce jour le titre de résidence d'Etat. Ce titre lui a été octroyé au début des années 1990 sur la base d'un décret le rattachant au Premier ministère. Pour se mettre à l'abri des évènements tragiques qu'enregistrent le pays, les plus hauts responsables du pays et leur famille y trouvent abri. Des personnalités proches du pouvoir, de nombreux ministres, des sénateurs, députés, des figures de la Révolution, des hommes d'affaires, mais aussi des journalistes fuyant les groupes terroristes obtiennent également le privilège d'y loger pendant certaines années. Les membres du gouvernement ou personnalités très influentes sont cependant installés dans une partie du Club-des-Pins où l'accès reste difficile, voire interdit y compris pour les autres locataires d'une zone qui s'est progressivement transformée en bunker. En 1992, les plus hautes autorités du pays avaient, en effet, donné instruction d'entourer le lieu de mesures de sécurité draconiennes. Seuls les détenteurs d'une carte dûment établie par l'administration en charge du site étaient en droit d'y avoir accès. Les noms des visiteurs, y compris les membres des familles éloignées ou amis, devaient être préalablement signalés au poste de gendarmerie par leur hôte et chargés de venir les récupérer pour y être admis. A l'intérieur, des équipes de la gendarmerie se chargeaient de sillonner sans relâche les allées entre les villas. Les mesures de sécurité ont été poussées à l'extrême, puisque des mesures spéciales interdisent toute activité agricole ou de pêche autour de la résidence d'Etat. En raison de la situation qui prévaut dans le pays, les demandes des personnalités voulant être logées à Club-des-Pins se sont faites plus nombreuses. Le site était à ce moment saturé. Les personnes admises, généralement sur la base de relations solides ou au plus haut niveau, se sont, cependant, vu logées dans des chalets disposés à la sortie (vers Staouéli). Le plus grand nombre de ces personnes s'est cependant vu octroyer de somptueuses villas à Moretti, une zone également soumise à de grandes mesures de sécurité. Les plages où les Algérois aimaient à passer leurs vacances sont confisquées et interdites au public. A la fin des années 1990, et avec le déclin des groupes terroristes, un mouvement de contestation s'est mis en place au sein de la société. Les habitants de Staouéli se sont notamment organisés pour faire tomber l'interdiction de se rendre à la plage qu'ils fréquentaient dans les années 1970 et 1980. Des manifestations organisées à la placette des Dauphins ont été cependant sévèrement réprimées. Depuis, les critiques n'ont pas cessé et le maintien des mesures décidées au début des années 1990 jugé inutile. Ancrées sur ce territoire où se sont tissées au fil de longues années des vies singulières, dépassant parfois tout ce qui pourrait être imaginé, les locataires de Club-des-Pins se refusent naturellement à quitter leur bunker. La construction de l'hôtel Sherraton accentue les plaisirs et agrémente une vie méconnue du grand public. Coiffeur, fitness, sauna, piscine, restaurants gastronomiques, il offre à sa clientèle de Club-des-Pins tous les avantages recherchés. Sa proximité est une aubaine. Mais dehors, la colère gronde. Restés longtemps silencieux, les Algériens brisent le mur de la peur et sortent crier leur révolte un certain 22 février 2019. Ebranlé, le système perd pied. Le Club-des-Pins est l'une des cibles du Hirak parti pour ne plus s'arrêter. Sur les réseaux sociaux, des posts en disent long sur l'état d'esprit qui règne : «Avant de libérer les pays occupés, pensez à libérer Club-des-Pins», lançait dernièrement une internaute. Des messages appelant les Algériens à se mobiliser pour récupérer les plages interdites se sont multipliés. Bizarrement, et au même moment, décision a été prise de loger les nouveaux ministres au Sheraton et non pas à Club-des-Pins, comme de coutume. La résidence d'Etat se vide quant à elle progressivement de ses occupants, a-t-on appris de source sûre. Les locataires des villas de Moretti ont reçu eux aussi consigne de quitter les lieux. Des informations émanant de sources sûres indiquent que certaines villas de personnalités ont fait l'objet de perquisition dans le cadre de la lutte anti-corruption entamée dernièrement par les pouvoirs publics. A. C.