Interpellé par plusieurs observateurs pour une proposition de sortie de crise, je réponds ceci : La parole est d'abord aux acteurs de ce formidable mouvement, issu d'une génération capable de suggérer les solutions qui entrent dans le cadre philosophique de sa démarche. On ne doit plus se substituer aux hommes et femmes qui ont pris la noble et courageuse décision de changer la trajectoire que doit prendre notre pays. Ma génération doit tenir compte des nouveaux besoins et des interpellations de la société d'aujourd'hui et lui apporter l'appui nécessaire par un soutien franc et qualitatif afin de rendre irréversible la marche vers de nouveaux lendemains. Les solutions existent; elles sont d'ailleurs largement suggérées dans les marches, par une jeunesse consciente des enjeux, présents et futurs, en impulsant un cadre organisationnel dont l'objectif commun consiste à tracer les contours d'une Algérie plurielle, plus apaisée, en conformité avec les espérances d'un pays en orbite sur le millénaire en cours. On ne peut et on ne doit pas non plus exclure ou minimiser le rôle de l'armée dans la construction d'un Etat de droit. On a beau soutenir que la mission du soldat est la défense du territoire et de son intégrité, cela demeure toujours «un discours» qui durera le temps que durent les discours. L'armée doit laisser des espaces plus grands aux partis dont le rôle consiste à être les relais de la société dans ses différentes expressions. Ceci est valable pour le mouvement associatif, les ligues des droits de l'Homme, etc. Toutefois, on ne peut, en aucun cas, dénier à cette armée le droit et le devoir de veiller sur l'état de la Nation. Aujourd'hui encore, le citoyen ne conçoit pas l'Etat sans son armée. Il en est de même pour toutes les armées du monde, y compris celles des superpuissances. Il faut cependant que la Constitution garantisse l'exercice dans la transparence de l'intervention de l'armée comme celui de toutes les institutions du pays et que des frontières entre politique/militaire soient dressées, non l'une contre l'autre, mais l'une complétant l'autre dans l'intérêt de la République. Le souci de modernisation ne doit pas, ne peut pas concerner seulement l'organisation des structures, la professionnalisation des effectifs ou la modernisation des équipements. Cette vision ne peut ignorer l'autre pan, celui de la contribution à l'édification de l'Etat moderne, conforme aux standards du millénaire en cours, sous la supervision et les orientations d'un chef de l'Etat qui, une fois élu, démocratiquement, au suffrage universel, incarnera, incontestablement, l'unité de la Nation. Les discussions autour de la « constitutionnalité »des décisions pour une sortie de la situation de crise sont d'une stérilité évidente alors que l'enjeu c'est d'assurer une politique de salut national et d'éviter toute dérive menaçante pour la Nation. Le pays ne saurait retrouver son cours normal de vie, la satisfaction des revendications majeures des générations d'aujourd'hui, ses espérances maintes fois contrariées que par la rencontre des intelligences de tous dans un dialogue fécond où chaque élément de la société aura trouvé sa place. Il est clair que la mission historique de sauvegarde du pays en péril ne peut être menée, au-delà des hommes, des tendances de pouvoir et des velléités de récupération politicienne, que par ceux qui ont à cœur les intérêts suprêmes du peuple algérien. Karim Younes Alger le 25-05-2019