Dans cet entretien, Dr Mustapha Zebdi, président de l'Association de protection et d'orientation du consommateur et son environnement (Apoce), dresse un bilan du comportement des consommateurs et la fluctuation des prix durant le mois sacré du Ramadhan. De même, il revient sur les actions de communication lancées en cette même période. Soirmagazine : Nous sommes à quelques jours de la fin du mois de Ramadhan. Quel bilan dressez-vous des prix pratiqués durant cette période ? Mustapha Zebdi : Tout d'abord, je dirais qu'au niveau de notre organisation, ce n'est pas ce que nous espérions, mais nous avons constaté que cette année la situation est meilleure si nous la comparons à celle de l'année dernière. Nous avons remarqué une certaine constance sur les prix affichés pour les produits essentiels. Certes, il y a eu des hausses des tarifs, mais pas autant que les Ramadhans précédents hormis un ou deux produits qui ont connu une augmentation importante. Il s'agit en l'occurrence de la tomate et de la courgette, que nous considérons, du reste, injustifiée. Les autres produits de base n'ont pas connu de pics importants. Ainsi, par rapport à l'an passé, nous pouvons conclure que les prix des produits, en général, n'ont pas connu une hausse vertigineuse. Peut-on dire qu'il n'y a pas eu de pratiques frauduleuses ? Non, ce n'est pas ce que je dis. J'insiste sur le fait que cette année nous avons remarqué un léger mieux. En termes de pratiques frauduleuses, je cite le cas des prix de la viande. Dans une logique de baisse des prix, certains produits ont été supprimés de la liste de ceux soumis au droit additionnel provisoire de sauvegarde (DAPS,) comme les viandes bovines fraîches ou réfrigérées, les fruits secs (arachides, amandes...), les fruits séchés (raisins secs, pruneaux...) et les aliments diététiques destinés à des fins médicales et autres produits ( le beurre...). Pour ce qui est de la viande notamment, cela n'a pas été répercuté auprès des consommateurs. Nous n'avons pas constaté de baisse des tarifs proposés. Nous considérons cela comme une pratique frauduleuse. A ce sujet, le ministère du Commerce a lancé, la veille du mois sacré, un dispositif pour signaler les pratiques frauduleuses. Qu'en pensez-vous ? La nouvelle décision prise par le ministère du Commerce concernant le lancement de l'application sur smartphone baptisée «Aswak», permettant de signaler les infractions commerciales dans les marchés de proximité au niveau national, est une très bonne chose. Dans ce cadre, l'invité du Forum d'El Moudjahid a appelé à élargir son application à tous les autres produits de consommation exposés au niveau des magasins et centres commerciaux. Cette nouvelle application permet à ses utilisateurs de comparer les prix affichés au niveau de leur marché aux prix référentiels et lancer une alerte aux inspections territoriales qui seront tenues de dépêcher des agents de contrôle pour intervenir, immédiatement, contre les infractions enregistrées. Les utilisateurs d'«Aswak» peuvent également identifier les marchés de proximité, les géolocaliser et s'informer sur les fourchettes des prix actualisées plusieurs fois durant la journée, et de commenter les informations contenues dans l'application. Au sein de notre organisation, nous avons de tout temps appelé au plafonnement de la marge bénéficiaire et comme il n'y a pas de réglementation dans ce sens, nous pensons que cela peut y contribuer. Il est important de rappeler la grève des éléments chargés du contrôle au niveau des structures de l'administration relevant du secteur du commerce. De ce fait, nous n'avons pas pu connaître l'étendue de l'impact de cette application. Il y a eu un autre obstacle, celui relatif au manque de coopération des autorités locales dans certaines wilayas. Ces dernières n'ont pas joué le jeu et n'ont pas mis en place les mesures nécessaires alors qu'il y a eu des chiffres avancés pour la réussite de cette opération. Pensez-vous qu'il faut encourager d'autres mesures pour maîtriser la hausse des prix ? Oui, tout à fait. Nous continuons à appeler les autorités compétentes à mettre en place les marchés dits «parisiens». Ce type de marché de proximité ne demande pas d'infrastructures colossales. Seuls une table et un parasol suffisent au marchand. Et tout le monde y trouvera son compte. Les années précédentes, vous avez appelé à une «éducation du consommateur». Qu'en est-il pour cette année ? C'est vrai que durant le mois de carême, les Algériens ont tendance à acheter et gaspiller sans compter. Au sein de notre organisation, nous avons remarqué que la conjoncture actuelle du pays a impacté sur le comportement des consommateurs. Il n'y a pas la frénésie des achats des années précédentes. Nous sentons une préoccupation qui est ailleurs, en quelque sorte. Nous avons, à titre d'exemple, remarqué une baisse des réclamations en termes de qualité des produits. Le citoyen n'est pas autant attiré par la variété des marchandises comme auparavant. On peut dire qu'acheter n'est pas sa préoccupation majeure. Qu'en est-il du bilan de sensibilisation de votre organisation durant ce mois sacré ? L'Association de protection des consommateurs a mené des campagnes de sensibilisation sur tout le territoire national démontrant qu'il s'agit d'une organisation structurée avec des antennes actives. On peut le constater à travers notre page Facebook où nous publions nos différentes participations et actions de sensibilisation. Ces dernières sont articulées, notamment, autour de la consommation modérée pendant le Ramadhan, la lutte contre le gaspillage, la baisse de consommation de sucre et de sel. Je rappelle à ce titre que le numéro vert de l'Apoce, le «33-11», reste à la disposition des consommateurs.