L'avocat bien connu Mokrane Aït Larbi se met de la partie en émettant sa proposition de sortie de la crise qu'endure le pays, mettant en débat une transition en deux phases. M. Kebci - Alger (Le Soir) - Estimant que face au mouvement populaire, l'armée se retrouve en première ligne et risque en sa qualité de bouclier du territoire contre les agressions étrangères, d'être entraînée, une nouvelle fois, dans une aventure aux conséquences imprévisibles, l'avocat bien connu Mokrane Aït Larbi invite l'ANP à «sortir au plus vite de cette mauvaise posture» et ce, selon lui, pour «son salut et pour le salut de la Nation». Pour lui, «3 mois de manœuvres, de promesses non tenues et de menaces à peine voilées, le chef d'état-major doit se rendre à l'évidence, considérant qu'il est «temps d'écouter la voix du peuple et de répondre, enfin, à ses revendications légitimes, d'accompagner la volonté populaire vers son émancipation démocratique pour permettre à l'Algérie éternelle de revenir durablement dans l'Histoire par la grande porte». Et de préconiser à ce que le pouvoir fasse «preuve de sa bonne volonté par des mesures concrètes», estimant que les provocations policières contre les manifestants, les humiliations dans les commissariats, l'interdiction d'accès à la capitale, devenue zone interdite pour les jeunes de l'intérieur du pays chaque vendredi, le bouclage injustifié des places publiques, l'interdiction des conférences et des débats, toutes les manœuvres visant à créer un climat de tension doivent cesser». Autant de «mesures de détente» qui permettront de «réinstaurer la confiance» et d'engager le «dialogue entre les représentants des forces politiques et sociales en mouvement». Mais se pose inévitablement la lancinante question des représentants de la révolution. A ce sujet, l'avocat soutient que «si l'on exclut les listes de leaders consensuels suscitées par les manipulateurs de l'ombre, des initiatives plus sérieuses ont été avancées ; d'autres sont en cours, exprimant, dans ce sens, sa préférence pour une «conférence nationale de la société civile, en dehors des appareils du pouvoir et de ses clientèles, qui semble être, à ses yeux, la plus crédible». Considérant qu'une présidence collégiale et une Assemblée constituante peuvent être complémentaires, Aït Larbi affirme que «la transition du système autoritaire qui reste à démanteler, vers un Etat de droit, démocratique et social à construire, pourrait se dérouler en deux phases». La première à travers une «présidence collégiale de transition» de 3 à 5 personnalités indépendantes, consensuelles, réputées intègres et crédibles qui pourra être retenue à l'issue du dialogue entre représentants des différentes parties. Une instance que le peuple souverain aura à approuver ou à désapprouver des marches du vendredi, qui ont valeur de référendum. Une fois la «présidence collégiale de transition» légitimée, elle prend ses fonctions pour une durée maximum d'une année, après la démission, sans délai, du chef de l'Etat par intérim et du gouvernement, et la dissolution du Conseil constitutionnel et du Parlement avec ses deux chambres. Elle nommera un gouvernement formé de personnalités indépendantes, aux compétences reconnues, qui sera chargé de prendre les mesures urgentes pour le redressement de l'économie nationale, et lancer les procédures judiciaires appropriées pour le rapatriement des fonds publics détournés, et des capitaux transférés illégalement à l'étranger et de réviser la législation électorale pour garantir un scrutin transparent et régulier. Quant à la seconde phase, elle verra l'élection d'une Assemblée constituante dans un délai n'excédant pas une année. Dépositaire de la souveraineté populaire, l'Assemblée constituante aura pour missions de désigner un chef de l'Etat et un gouvernement pour la période de transition, d'adopter une charte des libertés et des droits du citoyen qui aura force constitutionnelle, opposable aux futures majorités présidentielle et parlementaire, d'adopter une Constitution qui sera soumise à l'approbation du peuple par voie référendaire et d'organiser des élections présidentielle et législatives conformément à la nouvelle Constitution. Une fois ce processus achevé, la période de transition prendra fin pour céder la place aux nouvelles institutions. Pour l'avocat, cette synthèse des deux grandes propositions présentées par différents groupes de militants «pourrait constituer la voie qui permettra une sortie pacifique de l'impasse constitutionnelle», invitant le pouvoir à «comprendre que désormais, les techniques habituelles de gestion démocratique des foules ne peuvent venir à bout de la volonté d'un peuple, qui a pris conscience de son pouvoir pour réaliser ses aspirations». «A moins de jouer la stratégie du pire, aucune répression, aucune violence ne pourra venir à bout de sa lutte pacifique exemplaire, qui a déjà suscité l'admiration dans le monde», conclut Aït Larbi. M. K.