Les évènements se sont accélérés de manière incroyable depuis mercredi. Deux anciens chefs de gouvernement et un ancien ministre et chef de parti ont été placés en détention en l'espace de quarante-huit heures. D'autres affaires liées au même dossier sont programmées pour les jours à venir… Il est un peu plus de 9h ce jeudi et les Algériens alertés par une information qui circule en boucle sur plusieurs chaînes de télévision privées commencent à se regrouper aux alentours de la Cour suprême. Abdelmalek Sellal comparaît à son tour devant un magistrat chargé d'étudier des éléments d'enquêtes transmises deux semaines auparavant par le tribunal de Abane-Ramdane. Comme Ouyahia, l'ancien Premier ministre est auditionné en tant qu'accusé dans une grave affaire liée à des faits de corruption. L'opinion et même les médias ignorent à ce moment la teneur des chefs d'inculpation pour lesquels il est poursuivi, et ces derniers ne seront en fait révélés par la Cour suprême qu'en début de soirée soit près de huit heures après l'incarcération de Sellal à la prison d'El-Harrach. Les explications suivantes ont été apportées : l'ancien Premier ministre et Amara Benyounès (qui a comparu dans l'après-midi) sont «poursuivis dans le cadre de l'enquête ouverte contre Ahmed Ouyahia». Comme lui, ils sont accusés de «dilapidation de deniers publics, abus de fonction, octrois d'indus avantages et conflit d'intérêts». L'issue de sa comparution s'est cependant laissée deviner moins d'une heure après son arrivée au tribunal. Les images retransmises à foison sur les écrans et les vidéos postées sur les réseaux sociaux n'ont pas évité de capter l'entrée d'un fourgon cellulaire par la porte arrière du bâtiment. Elle a eu pour effet d'attirer davantage de monde, des citoyens ne voulant pour rien au monde rater l'évènement qui se profilait. Entré vers 9 h, Abdelmalek Sellal est placé sous mandat de dépôt une heure et demie après. Un second ex-Premier ministre venait ainsi d'être inculpé en moins de 24 h. Amara Benyounès le sera aussi. A l'inverse du premier, il comparaît dans l'après-midi, et pour une durée beaucoup plus longue. L'instruction de son dossier a duré près de quatre heures de temps. Selon des spécialistes en matière juridique, ce fait pourrait être mis sur le compte de deux éléments : la nature des charges retenues contre le concerné, ou encore «l'état psychologique du prévenu et sa disponibilité à répondre aux questions qui lui sont posées». Comme Sellal, Amara Benyounès n'échappe pas au mandat de dépôt. Il est incarcéré vers 20h à la prison d'El-Harrach où il rejoint ainsi les hommes d'affaires qui l'ont entraîné dans la tourmente. Ancien ministre du Commerce et président du MPA (mouvement populaire algérien), il fait partie d'un groupe de douze anciens ministres et hauts responsables poursuivis par la justice dans l'affaire ETRHB de Ali Haddad. Ahmed Ouyahia et d'autres ministres dont les noms n'ont pas été rendus publics sont quant à eux également poursuivis dans le dossier Tahkout. L'homme d'affaires, ses deux frères associés et son fils ont été placés ce lundi sous mandat de dépôt par le tribunal de Sidi M'hamed. L'instance concernée a publié un communiqué contenant une très longue liste de chefs d'inculpation et prouvant, si besoin, l'ampleur des avantages dont ont bénéficié ces symboles de l'oligarchie qui s'est construite durant l'époque de Abdelaziz Bouteflika. Ali Haddad et Mahieddine Tahkout semblent être les deux principaux hommes d'affaires à avoir «enfoncé» les ministres qui ont régné durant les quatre mandats de l'ancien Président. Contacté, l'avocat des frères Kouninef nous a affirmé que ses clients n'ont à ce jour cité aucun nom ni fait référence à une quelconque autorité. Pour l'heure, il faut retenir que sur les douze personnalités convoquées par la Cour suprême, trois ont déjà été inculpées et incarcérées. Mercredi, Abdelghani Zaâlane a été quant à lui placé en liberté provisoire. Avant l'annonce de ce verdict, des magistrats et avocats avaient fait savoir que le cas Zaâlane était assez différent des autres dans la mesure où il n'a accédé à la fonction de ministre des Transports et des travaux publics qu'en 2017. Les faits reprochés aux douze personnalités concernées remontent, quant à eux, à une période antécédente. Zaâlane devra toutefois rester à la disposition de la justice et signer un P-V de présence une fois par mois, il est également frappé d'une ISTN (interdiction de sortir du territoire national). Mercredi, il a été sommé de restituer tous ces documents de voyage. Abla Chérif