Depuis le début de la crise du pays, avec le déclenchement d'un mouvement populaire d'envergure contre le système politique, les appels au dialogue fusent de partout. Mais jusqu'à présent, ils sont tous restés sans suite. Karim Aimeur – Alger (Le Soir) - Les organisations de la société civile, des partis politiques et des personnalités nationales ont lancé des appels au dialogue pour la gestion de la transition, avec l'accompagnement de l'armée. Les appels sont tombés sur des oreilles sourdes. L'institution militaire, par la voix du chef d'état-major, a appelé, elle aussi, au dialogue. En vain. Qu'est-ce qui bloque alors l'entame de ce dialogue souhaité par tous ? D'évidence, le premier facteur de blocage est le maintien d'un chef de l'Etat, Abdelkader Bensalah, et du Premier ministre, Noureddine Bedoui, en poste. A travers les manifestations de millions de personnes chaque vendredi, les Algériens rejettent tout dialogue avec ces figures du système. Ils rejettent aussi toute élection en leur présence. La majorité des partis politiques, des organisations de la société civile et des personnalités nationales demandent l'entame d'une période de transition. L'armée, après l'effondrement de la façade du système politique, s'est révélée en tant que pouvoir réel. Elle refuse toute transition, tenant à l'élection présidentielle. Ce que la rue rejette catégoriquement. Que faire alors ? Pour Mustapha Hadni, coordinateur du PLD, membre de la coalition des partis démocratiques, l'entame d'un dialogue entre les différents acteurs exige des préalables. «La situation actuelle de notre pays exige des détenteurs du pouvoir de faire preuve de volonté politique et de prendre des mesures urgentes dans le sens de l'apaisement. La libération de tous les détenus d'opinion et ceux liés au mouvement du 22 février ainsi que le départ de Bensalah et Bedoui et de son gouvernement sont le minimum et le smig pour entamer un dialogue serein et productif. L'armée doit afficher sa ferme intention d'accompagner le processus historique de notre pays», a-t-il répondu à une question du Soir d'Algérie. Il estime que l'armée est interpellée pour jouer un rôle dans la facilitation et l'accompagnement d'un dialogue national, tout en constatant que cette institution « fait appel au dialogue tout en imposant sa propre feuille de route en s'opposant à la transition démocratique réclamée par l'écrasante majorité de la classe politique et de la société civile». «L'armée doit afficher une véritable volonté politique», tranche notre interlocuteur. Le président de RAJ, Abdelouahab Fersaoui, explique que le dialogue est indispensable pour débloquer la situation actuelle, mais il y a divergence sur son objectif et sa forme. «Le pouvoir veut un dialogue qui sera mené par les symboles du système rejetés par le peuple et autour de l'organisation de l'élection présidentielle le plus tôt possible qui est aussi rejetée par la rue car organiser les élections de cette manière ne peut que prolonger la crise et recycler le système en place. Donc pour réussir le dialogue, le pouvoir doit afficher sa bonne volonté en prenant quelques mesures d'apaisement urgentes», a-t-il indiqué. Des mesures d'apaisement Comme mesures d'apaisement, notre interlocuteur exige de cesser les interpellations des manifestants, de libérer toutes les personnes arrêtées durant le mouvement et tous les détenus d'opinion et de lever les entraves à l'exercice des libertés d'association, de rassemblement et de réunion à Alger et au niveau national et à la liberté de la presse. «Le pouvoir doit aussi désigner ses représentants dans ce dialogue qui doit être inclusif, ouvert à toutes les dynamiques de la société (partis politiques, société civile)», ajoute le président de RAJ, partie prenante de l'initiative de la société civile pour la transition. Lui emboîtant le pas, Saïd Salhi, vice-président de la Laddh, souligne que « le pouvoir réel répond aux appels au dialogue par une offre autour de l'élection présidentielle en dehors de toute transition, ce qui est en décalage avec les revendications de la rue». «Pour notre part, au sein des dynamiques de la société civile et lors de la conférence nationale, nous avons réitéré le principe du dialogue mais avec des préalables notamment la libération des détenus d'opinion et la levée de toutes les restrictions aux libertés démocratiques», a-t-il affirmé. Pour lui, il ne peut y avoir de dialogue sans volonté réelle du pouvoir. Il regrette que ce dialogue s'éloigne de plus en plus, avec la répression, les arrestations et les appels à la division du peuple. «On ne se fait aucune illusion quant à la mauvaise volonté d'une solution politique. C'est le pouvoir réel qui bloque le dialogue, au moment où nous attendions des signaux de sincérité et de bonne volonté », soutient Saïd Salhi. K. A.