L'Egypte sociale est en crise. Une crise qui perdure malgr� les quelques progr�s de l��conomie qui repose, on le sait, sur les quatre rentes que sont : 1/ le Canal de Suez 2/ le tourisme 3/ les revenus des travailleurs �gyptiens � l��tranger 4/ le p�trole auxquels il faut ajouter, bien s�r, l�aide �trang�re et notamment les aides am�ricaines et saoudiennes. Le retrait de l�Etat, d�cid� d�j� par Sadate et acc�l�r� par Moubarak, non seulement de la sph�re �conomique mais aussi de la sph�re sociale, la remise en cause de l�Etat-providence et du r�le redistributeur de l�Etat ont augment� la pr�carit� et la pauvret� de la majorit� des Egyptiens. Les �tudes du Pnud ont r�v�l� que 55 % des m�nages �gyptiens doivent vivre avec un revenu de 90 euros par mois (quelque 120 dollars) et que 48 % de la population vit en dessous du seuil de pauvret� (alors que le chiffre officiel du gouvernement est de 20 %). Les statistiques sociales chiffrent � 13,6 millions de personnes les Egyptiens qui n�ont pas acc�s par eux-m�mes aux produits de premi�re n�cessit� (enqu�te du Centre �gyptien des �tudes �conomiques). Enfin, 20 % des Egyptiens vivent en de�� des conditions d�hygi�ne minimale. L�indice de d�veloppement humain, cet indice calcul� par le Pnud et qui rend compte principalement des niveaux d��ducation, de sant� et de revenu d�une population, classe l�Egypte au 116e rang sur 177 pays. Le taux de ch�mage officiel est de 11 % et de 20 %, selon des sources ind�pendantes. Il faut aussi souligner le d�veloppement du ph�nom�ne des salari�s pauvres, c�est-�-dire tous ces Egyptiens qui ont un emploi salari� mais en contrepartie d�un revenu largement insuffisant pour une vie d�cente. Le secteur de l��ducation Secteur sinistr� s�il en est, l��cole �gyptienne dispense un enseignement de mauvaise qualit� encadr� par des enseignants sous-pay�s qui ont recours � la pratique de cours priv�s pour compl�ter leurs revenus. Une �tude r�cente a r�v�l� que 60 % des familles �gyptiennes, soucieuses d�assurer une employabilit� � leurs enfants, ont recours aux cours particuliers, ce qui, pour la plupart d'entre elles, contribue � d�t�riorer davantage leurs revenus et donc leur niveau de vie. L�enseignement sup�rieur n�est pas en meilleure situation si l�on en croit l�excellente �tude de Sophie Pommier Egypte : l�envers du d�cor (parue chez la D�couverte). Les universit�s publiques bond�es d��tudiants, dot�es de peu de moyens, dispensent une formation de mauvaise qualit�. Dans ce palier aussi, les familles ont recours aux universit�s priv�es �gyptiennes mais surtout, pour les plus ais�es d�entre elles, �trang�res. Il y a au Caire des universit�s allemande, fran�aise, am�ricaine, canadienne, britannique, japonaise et bient�t, annonce-t-on, russe et chinoise. Bien �videmment, cet enseignement priv� est tr�s co�teux et seuls les enfants des familles riches peuvent y acc�der. Le syst�me de sant� La situation ici n�est pas meilleure. Les structures publiques de sant� sous-�quip�es, sous-encadr�es, dispensent des soins de mauvaise qualit� constamment d�cri�s par les Egyptiens. Le budget de sant� est en diminution constante, l�Etat �gyptien devant consacrer de plus en plus de ressources � son appareil s�curitaire pour faire face au terrorisme, � la d�linquance et surtout pour pr�venir toute r�volte sociale latente. Les soins co�tent de plus en plus cher et, l� aussi, un syst�me � deux vitesses s�est mis en place : les cliniques priv�es et les soins � l'�tranger pour les riches ; la sant� publique pour les pauvres (cf. l�ouvrage l�ouvrage d�j� cit� de Sophie Pommier). L�habitat Deux chiffres suffisent � d�crire la situation dans ce secteur : 40 % de la population (50 % moiti� de la population urbaine) vivent dans un habitat pr�caire (Sophie Pommier parle �d�habitat informel�). L�offre de logement est de 100 000 par an (en moyenne) et la demande de 750 000 ! L�ensemble des �tudes r�alis�es sur l�Egypte, soci�t� et �conomie, concluent toutes sur cinq constats que l�on peut r�sumer, pour notre part, en cinq points : 1) Il y a de plus en plus fragmentation de la soci�t� �gyptienne : des pauvres de plus en plus nombreux, des riches qui se bunk�risent, des classes moyennes en perdition ; 2) les in�galit�s augmentent et la fracture entre le pouvoir et la soci�t� profonde s�approfondit ; 3) l�Etat se retire de plus en plus ; 4) la bataille est rude pour la captation des ressources ; 5) le processus d�individualisation et la rupture des solidarit�s sont en marche. Face � cette situation, trois d�fis qui sont rappel�s par l�opposition �gyptienne doivent �tre relev�s par l�Etat : 1 - Consolider, en l�am�liorant, la croissance �conomique. 2 - Redevenir redistributeur comme l�a �t� le nasserisme. 3 - S�assurer du respect des �r�gles du jeu� de la part des op�rateurs priv�s sur lesquels l�Etat s�est d�charg� d�une partie de ses fonctions. Aujourd�hui, l�Etat �gyptien s�est recroquevill� principalement sur le registre s�curitaire, se d�sengageant de plus en plus des autres fonctions qui fondaient sa l�gitimit�. Les chercheurs et analystes �gyptiens sont arriv�s � la conclusion que �le r�gime est devenu comprador : Les hommes d�affaires qui sont aujourd'hui la principale partie prenante du pouvoir n�ont pas de �projet �gyptien �.