Par Abdelmadjid Bouzidi [email protected] L�Etat �gyptien n�est pas un Etat sans ressources et l��conomie �gyptienne est de plus en plus reconnue comme une �conomie en �mergence. Le peuple �gyptien, par contre, est, dans ses larges franges, un peuple pauvre qui souffre de pr�carit�, d�exclusion et d�injustice sociale. - Un Etat dot� de ressources Canal de Suez, sites historiques (tourisme), p�trole et gaz, une population importante de travailleurs �gyptiens � l��tranger : l�Etat �gyptien dispose l� de ressources financi�res importantes. C�est un Etat plurirentier. En 2010 (en pr�vision de cl�ture), l�Egypte a engrang� gr�ce � ces rentes quelque 40 milliards de dollars lorsqu�on y inclut l�aide internationale. Les rentes engrang�es en 2010 (en milliards USD) 1- Il faut souligner que pr�s de 50% de l��conomie �gyptienne d�pend directement et indirectement du tourisme. Ce fait est important souligner dans la conjoncture politique actuelle de l�Egypte et ses risques d�instabilit�. 2- L�aide internationale et notamment am�ricaine (mais aussi saoudienne et m�me fran�aise) va principalement au budget militaire. 3- Les travailleurs �gyptiens � l��tranger, notamment dans les pays du Golfe, repr�sentent une entr�e annuelle de devises importante. 4- Le secteur des hydrocarbures repr�sente plus de 9% du PIB, 40% des exportations et re�oit plus de 30% des IDE entrants (4,1 MDS USD en 2008). Les principaux producteurs de p�trole sont BP Egypt, Eni Egypte et Apache Energy. L�Etat �gyptien souhaite d�velopper l�exploitation des ressources gazi�res du pays. Il d�veloppe actuellement ses capacit�s de raffinage : neuf raffineries actuellement et plusieurs projets en cours de r�alisation. L�Egypte produit aussi de la p�trochimie (12% de la production industrielle - 7 milliards USD). Une �conomie en �mergence Bien �videmment, l��conomie �gyptienne ne repose pas exclusivement sur les rentes. Lorsqu�on examine l��volution des �changes commerciaux de l�Egypte avec le reste du monde, la progression est importante. S�agissant par exemple des exportations, l��volution a �t� la suivante : Exportations en milliards USD (Source : Banque centrale d�Egypte) L�Egypte exporte acier, biens de consommation industriels, produits pharmaceutiques, riz pour des recettes de 10,3 milliards USD (75% des exportations non p�troli�res et 37% du total des exportations, les produits semi-finis repr�sentent 6% du total). Les investissements directs �trangers En 2008, l��conomie �gyptienne enregistrait un stock d'investissements directs �trangers estim� � 59 milliards USD (pr�s de 37% du PIB). L�Egypte est la troisi�me destination du monde arabe pour les IDE. Les IDE ont connu une progression constante : Flux nets d�IDE (en MDS USD) (Source : Banque centrale d�Egypte) Les hydrocarbures re�oivent 4,1 MDS USD d�IDE, l�achat d�actifs existants 2,3 MDS USD, les nouvelles cr�ations dans l�industrie 6,4 MDS USD, l�immobilier 400 millions USD. Les USA investissent quelque 6,5 MDS USD, l'Union europ�enne 5,114 MDS USD, les pays arabes 3,194, l�Asie 1,780 (Inde, Chine, Japon). Au total, l�Egypte re�oit 17,801 MDS USD en flux entrants et enregistre 4,565 MDS USD en flux sortants. On peut terminer cette rapide pr�sentation de l��conomie �gyptienne par un rappel de ses performances de croissance qui sont parmi les meilleures du monde arabe. Taux de croissance annuelle Enfin, les r�serves de change sont �valu�es � fin 2009 � 34,9 milliards USD, la dette ext�rieure globale � 33,2 MDS USD, le PIB � 188,5 MDS USD. Une situation sociale d�sastreuse Le ch�mage fait des ravages parmi les jeunes : un jeune sur 3 (moins de 30 ans) est au ch�mage. Chaque ann�e, il y a 700 000 nouveaux entrants sur le march� du travail et le secteur informel procure 55% des emplois. Les dipl�m�s de l�enseignement sup�rieur restent tr�s longtemps sans emploi et la formation est de faible niveau. Un journaliste du quotidien Les Echosen reportage au Caire rapporte cette observation d�une ancienne �tudiante �gyptienne en m�decine : �Les nouveaux m�decins sortants de nos universit�s sont plus dangereux que la maladie qui pousse � les consulter !� 2- 18% de la population vit avec moins de 2 dollars par jour (les taux sont de 13% en Tunisie et 14% au Maroc). Le Smic est de 50 euros et le salaire d�un enseignant qui d�bute est de 100 euros. 3- Les conditions de vie de la grande majorit� de la population sont insupportables. Il y a un tr�s grand d�ficit dans les infrastructures de base : adduction d�eau, transports publics, collecte des ordures, sant�, �ducation... Lorsque ces infrastructures existent, elles sont rudimentaires. Le journaliste des Echos d�j� cit� rapporte que l�urbanisation a explos� sans �tre accompagn�e du minimum d�infrastructures : des villes de 100 000 habitants ont remplac� d�anciens petits villages sans aucune am�lioration dans les infrastructures d�origine. Six millions de Cairotes vivent dans des bidonvilles sans eau, ni �gouts. 4- La classe moyenne est plus victime de la d�gringolade au palier inf�rieur que port�e vers l�ascension au palier sup�rieur. 5- 35% des 8 millions de fonctionnaires travaillent dans l�appareil s�curitaire. L�Egypte compterait 17 000 prisonniers politiques. 6- La soci�t� fonctionne sur la base du client�lisme : un diplomate �tranger en poste depuis dix ans dans le pays rapporte que le �qui-tu-connais ?� compte bien plus que le �que-sais-tu-faire ?� 7- Il faut aussi rappeler que le pays vit sous �tat d�urgence depuis 1981 : �La police peut sans raison particuli�re et sans recours ouvrir le courrier, �couter votre t�l�phone, fouiller votre maison.� (cit� dans le reportage du quotidien Les Echos). 8- Enfin et pour bien comprendre pourquoi �la marmite a r�cemment explos� sous les mots d�ordre �Pain, dignit�, libert� !� : lors des �lections l�gislatives de novembre de 2010, pr�s de 95% des si�ges de d�put�s ont �t� rafl�s par le parti pr�sidentiel ! Terminons ce tableau par cette boutade bien connue en Egypte (les Egyptiens �tant friands de �noukkoute�) : �Le seul endroit o� les Egyptiens peuvent ouvrir la bouche, c�est chez le dentiste.�