Le président du RCD, Mohcine Belabbas, soutient qu'aucune initiative de sortie de crise ne peut aboutir si des détenus d'opinion croupissent en prison, si la liberté de l'activité politique publique n'est pas garantie, si les entraves faites aux manifestations et à la liberté de circulation ne sont pas levées. Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - Présidant, hier samedi, les travaux du conseil national de son parti, Mohcine Belabbas a exprimé ses soupçons quant aux intentions de l'armée d'imposer un Président aux Algériens, en contournant la révolution en cours. Il estime que ceux qui réduisent le contenu de ce sursaut révolutionnaire au départ et au jugement de quelques figures du système politique qui a confisqué la victoire de la Nation contre le colonialisme le font par calcul. «Quelques semaines après de grandioses démonstrations unitaires de rue, l'état-major de l'armée s'est rangé, par opportunisme, du côté du mouvement populaire pour exiger la démission de Bouteflika. Il a, du même coup, mis la main sur l'ensemble de l'appareil répressif du pays, y compris l'appareil judiciaire, jusque-là contrôlé par le clan présidentiel», a-t-il expliqué. Selon lui, le clan symbolisé par Gaïd Salah n'a pas pour ligne directrice de nettoyer les écuries d'Augias. Et de rappeler que « l'opacité est un fait dans la gestion des budgets faramineux du ministère de la Défense, dont les partenaires économiques et financiers sont des entités nationales mais aussi étrangères». Pour le président du RCD, l'unique but de ce «nettoyage» par le biais de la récupération de l'appareil judiciaire est de baliser la voie pour les militaires «afin d'installer une nouvelle potiche au niveau de la présidence de la République». Mohcine Belabbas affirme que la politique de l'armée s'articule autour de trois axes dans l'objectif de neutraliser la volonté populaire. Il s'agit de «l'instrumentalisation de l'appareil judiciaire pour le traitement de dossiers ‘‘triés par l'armée'', dans leur chronologie et le tri des personnages poursuivis, le tout sous le feu des médias contrôlés par le vice-ministre de la Défense». Aussi «cela procède de deux motivations : la première est de répondre, ne serait-ce que partiellement mais forcément partialement, à une exigence du soulèvement (Klitou leblad ya serraqine), la deuxième, et qui est la plus importante pour la hiérarchie militaire, est de neutraliser durablement le clan qui s'était disputé avec l'armée le contrôle de la vie du pays.» Par ailleurs «C'est une condition incontournable pour l'organisation d'une élection présidentielle sans risque pour le pouvoir de fait», a-t-il soutenu, ajoutant que «cette option ne vaut que si le pouvoir de fait prépare, et c'est là le deuxième axe, un nouveau personnel civil pour prendre le relais des personnages politiques qui avaient occupé le devant de la scène durant les vingt dernières années et qui en étaient délogés». Le troisième axe est l'affaiblissement du mouvement populaire avant d'organiser l'élection présidentielle. « A défaut de liquider ou d'étouffer le contenu démocratique et progressiste porté par les populations dans les manifestions, il faut l'affaiblir avant toute opération électorale. Le refus assumé par l'armée d'une transition démocratique n'est pas la peur de l'inconnu ou un problème de timing, en raison de la situation économique comme on l'entend ici et là fallacieusement. C'est le refus du système politique en place, symbolisé par Gaïd Salah, de permettre aux Algériennes et aux Algériens de construire un Etat de droit démocratique quel que soit, par ailleurs, l'agencement du calendrier électoral», a-t-il encore expliqué. Pour lui, «cette opération, qui consiste à mater et à détourner la volonté populaire, a un nom : c'est la contre-révolution et son porte-voix est le chef d'état-major de l'armée». Mohcine Belabbas ajoutera, à ce propos, «Elle a un programme qui consiste à créer des lignes de fracture au sein des populations, de semer la peur et la confusion, en vue de se présenter comme le garant de la paix civile après avoir provoqué le pire. Elle a déjà ses clients mais aussi ses relais objectifs», a-t-il poursuivi, dénonçant la judiciarisation de l'interdiction du drapeau amazigh. Pour lui, «aucune initiative de sortie de crise ne peut aboutir si des détenus d'opinion croupissent en prison, si la liberté de l'activité politique publique n'est pas garantie, si les entraves faites aux manifestations et à la liberté de circulation ne sont pas levées». K. A.