La révolution populaire est bien partie pour ne pas s'arrêter. Ayant traversé le printemps sans prendre une seule ride, le mois de Ramadhan et ses conditions difficiles sans fléchir, elle est en train de traverser l'été avec ses chaleurs et sa canicule avec la même intensité et ampleur de mobilisation. Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - Hier encore, les Algériens sont sortis, pour le 22e vendredi consécutif, massivement dans les différentes wilayas du pays pour réclamer le départ du système politique. Dans la capitale, la mobilisation ne faiblit pas. Les marées humaines, qui envahissent le centre-ville chaque vendredi, étaient au rendez-vous. « C'est sensationnel !», résume un journaliste du célèbre journal américain, The New York Times, croisé à la place Maurice-Audin. Il s'est dit « émerveillé » par l'intensité du mouvement et sa durée dans le temps, lui qui a déjà assisté aux manifestations, d'ampleur jamais égalée, du mois de mars dernier. Un manifestant lui répond qu'il n'y a qu'une détermination puissante qui peut faire face à autant d'obstacles dressés devant le mouvement qui résiste au temps qui passe, aux manœuvres de le casser, aux tentatives de division, à la propagande, à la manipulation, aux menaces et aux tentatives de diversion. Les manifestants, qui semblent avoir dépassé les slogans « Bensalah dégage » et « Bedoui dégage », en les lançant de moins en moins, ces dernières semaines, ont ciblé particulièrement le chef d'état-major qui insiste, à chaque fois, sur l'organisation de l'élection présidentielles dans les meilleurs délais. Majoritairement, ils ont réitéré le rejet de tout dialogue tant que les figures du système sont en place. « Y a pas de dialogue avec les bandes », ont-ils scandé, avec force. Les marches d'hier vendredi interviennent au lendemain d'une nouvelle initiative politique de sortie de crise, dévoilée par le Forum civil pour le changement qui a annoncé un panel de 13 personnalités pour conduire une médiation en vue du dialogue national. Une démarche accueillie favorablement par la présidence de la République. Mais pas par les manifestants qui ont maintenu les mêmes revendications. En effet, les rues d'Alger ont vibré au rythme des cris « Le peuple veut l'indépendance » et « Y a pas de dialogue avec les bandes » lancés par des centaines de milliers de manifestants qui ont envahi le centre de la capitale. Les manifestants ont réclamé un Etat civil, non militaire, l'application immédiate de l'article 7 de la Constitution et la restitution du pouvoir au peuple, ainsi que la libération des détenus d'opinion, à leur tête le moudjahid Lakhdar Bouregaâ. A souligner que le dispositif sécuritaire déployé hier était plus léger par rapport aux vendredis passés, à l'exception de la Grande-Poste où il a été renforcé. La raison est toute simple : le dispositif a été déployé dans la soirée au niveau de plusieurs points où le match Algérie-Sénagal (finale de la Coupe d'Afrique) a été projeté. Mais pourquoi le mouvement préserve son intensité, cinq mois après son départ ? « La dynamique citoyenne qui se maintient avec la même intensité depuis cinq mois est la résultante du processus de maturation politique du peuple algérien. Jamais dans l'histoire post-indépendance de notre pays, le peuple n'a été aussi déterminé pacifiquement pour mettre un terme au système », répond le coordinateur du PLD, Mustapha Hadni. Selon lui, il y a un ensemble de facteurs endogènes qui se caractérisent essentiellement par la détermination du peuple et par un système politique finissant. « Aujourd'hui, toute initiative politique qui ne s'inscrit pas dans le sens des revendications populaires est vouée à l'échec », estime-t-il. Le président de l'association RAJ, Abdelouahab Fersaoui, explique que le maintien des manifestations est motivé essentiellement par deux facteurs. « Le premier est la détermination du peuple algérien qui s'est libéré et qui a cassé le mûr de la peur. C'est un peuple qui sait ce qu'il ne veut pas, mais surtout il sait très bien ce qu'il veut, notamment la rupture avec le système actuel et ses symboles, la liberté, un Etat de droit démocratique. Tant que cet objectif n'est pas réalisé, les Algériens ne peuvent pas rentrer à la maison », a-t-il détaillé. Quant au deuxième facteur, il s'agit de l'absence de la volonté politique chez le pouvoir de répondre favorablement aux revendications légitimes du peuple. De son côté, le vice-président de la Laddh, Saïd Salhi, soutient que « le peuple a retrouvé son chemin et il est sur la voie de non-retour », affirmant que « le changement du système est désormais irréversible ». « Le peuple veille à la sauvegarde de sa révolution. C'est une opportunité historique pour changer son destin et il ne veut pas la rater. Avec l'ampleur de l'engagement et l'espoir suscité, le peuple croit au changement et veut aller jusqu'au bout. Le pouvoir doit comprendre le message et sentir la lame de fond qui anime ce mouvement, aucune autre solution de médiation ou dialogue ne seront possibles hors le changement effectif du système vers l'Algérie de la dignité et des libertés », insiste-t-il. K. A.